De nombreux rapports et études épidémiologiques, notamment à la sortie de la pandémie de COVID ont fait état d’une forte progression de la dépression et de « l’idéation suicidaire » chez les adolescents et les jeunes. Cette nouvelle étude, menée à Université de Caroline du Nord souhaite faire la part des choses sur cette augmentation des rapports de comportements suicidaires et de TS chez les jeunes. L’analyse, publiée dans le Journal of Human Ressources, met notamment en lumière les changements dans la manière dont les professionnels de la santé détectent, signalent et codifient ces comportements et ces pensées suicidaires chez les jeunes.
Les auteurs rappellent les rapports et les données faisant déjà état, avant la pandémie, d’une tendance à la hausse de ces comportements suicidaires chez les jeunes, suggérant ainsi l’existence antérieure d’une crise de santé mentale chez les adolescents et les enfants. Les dernières augmentations mises en lumière dans les études plus récentes, après la pandémie, pourraient s’expliquer, au moins en partie, par des changements de pratiques des professionnels de santé.
« Nous avons herché mieux comprendre cette augmentation signalée des comportements suicidaires chez les jeunes », explique Adriana Corredor-Waldron, co-auteur de l’étude et professeur d’économie à l’Université : « nous pensons qu’il existe une crise de santé mentale de longue date chez les jeunes et que le taux de comportements suicidaires est élevé, cependant
Le taux de consultation à l’hôpital pour automutilation et tentatives de suicide (TS) est resté stable au cours des 12 années étudiées.
« Pourtant, nous enregistrons une augmentation significative du nombre d’enfants et d’adolescents diagnostiqués avec des pensées suicidaires. Et cette augmentation des diagnostics nous apparaît plutôt associée à des changements de protocoles dans les diagnostics et les soins de santé, quant à ces comportements ».
L’étude menée sur les données de toutes les consultations effectuées à l’hôpital d’enfants âgés de 10 à 18 ans dans le New Jersey de 2008 à 2019, révèle en effet de profonds changements dans la détection et le diagnostic de ces pensées et comportements suicidaires :
- elle confirme une augmentation significative des consultations largement liées au suicide sur une période de 12 ans ;
- cette tendance s’explique presque totalement par l’augmentation des diagnostics de pensées suicidaires (et non de comportements ou de TS), ces diagnostics accrus étant liés à 2 facteurs, de nouvelles directives en termes de dépistage et une nouvelle codification pour la prévalence de pensées suicidaires ;
- il s’agit notamment des lignes directrices publiées en 2011 par le ministère américain de la Santé et des Services sociaux, qui encouragent les professionnels de soins primaires à effectuer un dépistage annuel de routine de la dépression chez les filles et les jeunes femmes ;
- la codification fait référence au système standardisé permettant d’enregistrer les diagnostics et, aux Etats-Unis, de nouvelles directives de codage sont entrées en vigueur en 2016 : les professionnels de santé doivent désormais saisir un code « idées suicidaires » même si le diagnostic principal du patient est un trouble de l’humeur- ou une dépression ;
- une augmentation significative du signalement de pensées suicidaires est donc relevé depuis les nouvelles directives de 2011, ainsi qu’une augmentation encore plus spectaculaire après la mise en œuvre de la nouvelle codification de 2016.
Il faudra encore valider ces constats à l’échelle des pays et des systèmes de santé, et faire plus précisément l’analyse de ces données depuis la période de la pandémie de COVID, mais ce constat, réalisé à l’échelle d’un État, soutient plutôt
l’hypothèse d’une tendance de fond, débutée bien avant la pandémie et qui se poursuit depuis plusieurs décennies.
Source: Journal of Human Resources 6 Sept, 2023 DOI: 10.3368/jhr.0423-12854R1 To What Extent Are Trends in Teen Mental Health Driven By Changes in Reporting? The Example of Suicide-Related Hospital Visits
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