Cette recherche d’une équipe de la Penn Medicine révèle le rôle « actif » de la barrière hémato-encéphalique dans la régulation de certains comportements. Une étude très expérimentale, menée à ce stade chez la fourmi, mais qui met en lumière, dans la revue Cell, des mécanismes qui pourraient être similaires chez d’autres espèces, dont les mammifères, dont l’Homme.
La barrière hémato-encéphalique (BBB : blood-brain barrier) joue un rôle important dans le contrôle des comportements essentiels, ici des colonies de fourmis. Les implications de cette recherche sur les mécanismes complexes sous-jacents aux comportements, pourraient aller bien au-delà du monde des insectes. Car chez les fourmis, comme chez d’autres animaux, la BBB est constituée de cellules étroitement verrouillées qui protègent le cerveau des germes et autres substances nocives. Mais cette barrière protectrice joue aussi un rôle clé dans le fonctionnement du cerveau et du système nerveux, rappelle l’auteur principal, le Dr Shelley Berger, professeur au Penn Epigenetics Institute. Cet expert rappelle notamment que dans le monde des fourmis, différentes castes ou groupes sociaux effectuent souvent des tâches différentes au sein de la colonie et présentent également des différences drastiques en termes de durée de vie.
La barrière hémato-encéphalique produit des enzymes clés pour certains comportements
Chez la fourmi, une version spécialisée de l’enzyme hormone juvénile estérase (JHE), responsable de la dégradation de l’hormone juvénile (JH3), qui régule le développement et la maturation de la reproduction. Cette enzyme JHE est généralement ensuite diffusée dans le sang de l’insecte. Cependant, les chercheurs viennent de découvrir que :
- JHE produite par la BBB des fourmis charpentières est retenue dans les cellules BBB. Cette enzyme localisée contrôle ainsi la quantité de JH3 qui pénètre dans le cerveau de ces fourmis ;
- cette découverte contribue à expliquer les différents niveaux d’expression de l’enzyme JH3 dans les BBB des différentes castes de fourmis, qui conduisent également à différents niveaux de l’hormone JH3 dans le cerveau, qui déterminent à leur tour les différents comportements de ces différents groupes de fourmis.
En résumé, la recherche révèle
un lien remarquable entre une seule enzyme produite par la BBB et des différences de comportements sociaux complexes.
Des implications au-delà du monde des fourmis : le rôle de la barrière hémato-encéphalique dans le contrôle de ces comportements est vraiment remarquable et a des implications au-delà du monde des fourmis. Mais ce n’est pas tout :
- lorsque les scientifiques manipulent les niveaux de JHE chez les fourmis cela conduit à des changements de comportement ;
- lorsque les scientifiques augmentent l’expression de JHE par la BBB et chez la mouche, cela conduit aussi, à des changements de comportement ;
- l’analyse de cellules endothéliales de souris suggère que l’entrée d’hormones contrôlées par la BBB dans le cerveau est un phénomène répandu « dans le règne animal ».
Ainsi, le rôle de la « barrière » ne se limite pas à protéger le cerveau des pathogènes ou des substances toxiques, mais comprend une fonction de régulation des comportements, via la production de certaines enzymes.
Des découvertes qui n’auraient pas été possibles sans la puissance des techniques biologiques modernes, telles que le séquençage unicellulaire, soulignent enfin les chercheurs.
Source: Cell 7 Sept, 2023 DOI: 10.1016/j.cell.2023.08.002 Hormonal gatekeeping via the blood-brain barrier governs caste-specific behavior in ants
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