Cette recherche menée à la Stanford Medicine identifie une « empreinte digitale » génétique pour le vieillissement du cerveau. Précisément, ces travaux, menés chez la souris révèlent que la substance blanche, qui transmet la signalisation dans le cerveau, présente aussi des changements significatifs et caractéristiques avec le vieillissement. Ces observations, publiées dans la revue Cell, apportent une image plus claire des changements moléculaires qui interviennent dans le cerveau avec l’âge et du rôle clé de la substance blanche dans le déclin cognitif lié à l’âge.
La plupart des personnes plus âgées remarquent, même en l’absence de diagnostic de maladie neurodégénérative, un ralentissement de la mémoire et de la cognition, cependant l’évolution biologique sous-jacente reste mal comprise.
L’étude, menée chez la souris a analysé les différents tissus cérébraux et leur évolution avec l’âge, a examiné l’expression des gènes dans différentes régions du cerveau au cours du vieillissement, ainsi que l’effet de la restriction calorique et des infusions de plasma de jeunes souris à des souris âgées, pour évaluer l’impact de ces 2 interventions sur le déclin lié à l’âge. Les scientifiques ont notamment échantillonné 15 régions dans les deux hémisphères du cerveau de 59 souris femelles et mâles âgées de 3 à 27 mois, identifié et classé les principaux gènes exprimés par les cellules trouvées dans chaque région du cerveau. L’analyse apporte ainsi :
- une nouvelle vision des changements moléculaires qui induisent le déclin cognitif au cours du vieillissement normal et donc de la façon dont le vieillissement contribue aux maladies neurodégénératives telles que les maladies d’Alzheimer et de Parkinson et la sclérose en plaques ;
- les changements les plus prononcés se produisent dans la substance blanche, le tissu du système nerveux qui permet la transmission des signaux à travers le cerveau : ainsi, la substance blanche -qui comporte des fibres nerveuses protégées par de la myéline – présente les changements les plus précoces et les plus prononcés dans l’expression des gènes ;
- ces changements interviennent chez la souris, à un âge équivalent à 50 ans, chez l’Homme ;
- 82 gènes sont fréquemment retrouvés dont la concentration varie avec l’âge, dans 10 régions cérébrales ou plus ;
un score de vieillissement obtenu à partir de l’expression de ces gènes caractérise « l’état » du cerveau avec l’âge ;
L’auteur principal, le Dr Tony Wyss-Coray, professeur de neurologie à Stanford commente ces conclusions : « nous ne pouvons pas dire avec certitude comment les changements d’expression génique dans la substance blanche affectent la mémoire et la cognition. Cela nécessiterait plus de travail de manipulation génétique et de neurobiologie. Mais nous savons aujourd’hui que la substance blanche présente les premiers changements d’expression génique liés à l’âge ».
Ces résultats sont en ligne avec de précédentes études ayant montré que le vieillissement perturbe un modèle d’expression génique par ailleurs stable dans le cerveau, en activant les gènes qui régulent l’inflammation et la réponse immunitaire et en désactivant les gènes responsables de la synthèse des protéines et du collagène. L’inflammation et la réponse immunitaire affectent l’intégrité de la gaine de myéline, la couche isolante autour des nerfs responsable de la transmission des signaux à travers le cerveau.
Le rôle clé de la substance blanche dans le vieillissement cognitif : jusqu’à récemment, la substance blanche avait plutôt été « laissée » de côté dans la recherche sur le vieillissement. Ici, elle apparaît comme une zone de vulnérabilité particulière au vieillissement ce qui ouvre de nouvelles pistes de recherche et de traitement. En effet, des interventions visant à ralentir le changement génétique observé dans la substance blanche avec le déclin cognitif permettraient peut-être de ralentir la progression de certaines maladies neurodégénératives ou, plus largement, le déclin cognitif associé au vieillissement normal.
Des interventions pour ralentir le déclin cognitif ? Ici, l’équipe teste d’ores et déjà 2 interventions déjà documentées, la restriction calorique et les injections de plasma de jeunes souris :
- la restriction calorique relance l’activation des gènes associés aux rythmes circadiens ;
- l’injection de plasma « jeune » active les gènes impliqués dans la différenciation des cellules souches et la maturation neuronale et réduit aussi l’expression des gènes liés à l’âge ;
- les 2 interventions semblent donc agir sur des processus différents dans le cerveau, ce qui confirme qu’il existe « plusieurs voies de vieillissement » dans le cerveau et donc plusieurs pistes pour lutter contre le déclin cognitif lié à l’âge ;
Il reste à adapter ces résultats aux humains, car « ces changements génétiques individuels observés chez la souris pourraient ne pas se traduire directement chez l’Homme », écrivent les chercheurs qui font d’ores et déjà l’hypothèse d’une vulnérabilité de la substance blanche au vieillissement, chez les humains aussi.
Source: Cell 16 Aug, 2023 DOI : 10.1016/j.cell.2023.07.027 Atlas of the aging mouse brain reveals white matter as vulnerable foci
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