Lorsqu’un patient se présente aux Urgences avec un essoufflement et mentionne un antécédent d'insuffisance cardiaque congestive, la probabilité que le médecin urgentiste teste le patient pour une embolie pulmonaire est réduite d'un tiers- même si l’embolie pourrait être la cause de l'essoufflement. Cette étude menée par une équipe de cliniciens de l’Université de Californie de Los Angeles (UCLA) sensibilise ainsi les médecins urgentistes à ce biais d’ancrage fréquent qui consiste dans ce cas à négliger, parfois, la recherche de caillots sanguins dans les poumons.
En psychologie, le biais d'ancrage signifie la difficulté à se départir de sa première impression. En médecine, ce biais cognitif peut avoir des conséquences redoutables, en particulier aux Urgences. Cette recherche de l’UCLA révèle ici des preuves de ce biais d'ancrage dans le diagnostic des patients souffrant d'insuffisance cardiaque congestive et se présentant aux Urgences avec des symptômes d'essoufflement.
L’étude qui a analysé les données de 108.000 patients atteints d'insuffisance cardiaque congestive qui se sont rendus aux urgences avec un essoufflement entre 2011 et 2018 et comparé les motifs enregistrés de leur visite, montre que
- ces patients sont moins susceptibles d'être testés aux urgences pour une embolie pulmonaire pouvant pourtant être mortelle ou pour un caillot sanguin dans le poumon, lorsque le motif de la visite noté lors du processus initial d'enregistrement au service des Urgences mentionne spécifiquement « une insuffisance cardiaque congestive » au lieu de « symptômes d’essoufflement » ;
- en d’autres termes, lorsque le motif de la visite mentionne l'insuffisance cardiaque congestive (connue du patient), la probabilité que l'urgentiste teste le patient pour une embolie pulmonaire se trouve alors réduite d'un tiers ;
- pourtant, les taux d'embolie pulmonaire dans les 30 jours suivant la visite au service des Urgences sont similaires entre les patients dont le motif de la visite mentionne une insuffisance cardiaque congestive et les autres patients, ce qui suggère que le biais d'ancrage a bien entraîné des retards de diagnostic.
L’étude sensibilise ainsi aux biais cognitifs qui peuvent influencer la prise de décision des médecins.
C’est particulièrement le cas lorsqu'un médecin se concentre sur 1 seule information initiale dans le processus de prise de décision clinique sans avoir suffisamment pris en compte les données de tests complémentaires. Avec des conséquences parfois sévères.
« Nous sensibilisons les médecins qui peuvent « s'ancrer » sur un diagnostic et passer à côté d'autres conditions importantes et dangereuses. Il est important que les médecins soient conscients de ces biais cognitifs et gardent l'esprit ouvert, y compris lors de la transmission d'informations ».
Source: JAMA Internal Medicine 26 June, 2023 DOI : 10.1001/jamainternmed.2023.2366 Evidence for Anchoring Bias During Physician Decision-Making
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