La recherche progresse à grands pas sur la compréhension et la qualification clinique de l’autisme. L’un des obstacles au développement de thérapies pour l’autisme ou troubles du spectre autistiques (TSA) est, en effet, la multiplicité des critères de diagnostics, des comportements, des phénotypes moléculaires et des mécanismes biologiques sous-jacents. Pour pouvoir mieux personnaliser les thérapies, il est important de comprendre et de cibler cette diversité biologique. En identifiant 4 sous-types d’autisme différents, cette équipe de la Weill Cornell Medicine (New York) fait donc un pas vers une médecine mieux personnalisée. Ces travaux, publiés dans Nature Neuroscience, révèlent également tout l’apport de l’IA et précisément de l’apprentissage automatique, dans le ciblage diagnostique et thérapeutique de ces troubles.
Les personnes atteintes de troubles du spectre autistique éprouvent de nombreux types de difficultés d’interaction sociale, de communication et de comportements répétitifs. Les scientifiques pensent depuis longtemps qu’il existe probablement de nombreux types différents de TSA qui peuvent nécessiter des traitements différents, mais à ce jour aucun consensus n’a été défini, explique l’un des auteurs principaux, le Dr Conor Liston, professeur de psychiatrie et de neurosciences au Weill Cornell.
C’est en effet l’IA qui permet ici de faire la distinction, entre différents comportements cérébraux et d’aboutir à ces 4 sous-types de TSA, liés à des voies moléculaires distinctes. L’étude permet en fin de compte de classer mles patients atteints de TSA en ces 4 sous-types distincts de TSA, en fonction de leur activité cérébrale et de leur comportement.
La même équipe avait déjà précédemment (2017) utilisé des méthodes d’apprentissage automatique pour identifier 4 sous-types de dépression biologiquement distincts et des travaux ultérieurs avaient confirmé que ces sous-groupes réagissent différemment aux différentes thérapies contre la dépression.
Une nouvelle approche pour définir les sous-types d’autisme
L’équipe a donc entrepris de déterminer s’il existe des sous-groupes similaires parmi les personnes autistes et si différentes voies génétiques sous-tendent ces différents comportements, à travers l’analyse de données de neuroimagerie, de données d’expression génique et de la protéomique, ce qui a permis de poser des hypothèses sur la façon dont les variantes de risque interagissent dans les sous-groupes d’autisme.
L’étude basée sur l’apprentissage automatique a analysé les données de neuroimagerie de 299 personnes autistes et de 907 personnes neurotypiques. L’analyse identifie des modèles de connexions cérébrales liés à des traits comportementaux chez les personnes autistes, tels que la capacité verbale, l’affect social et les comportements répétitifs ou stéréotypés. Les 4 sous-groupes d’autisme sont ensuite répliqués dans un ensemble de données distinct. Enfin, ces travaux que les différences d’expression des gènes et les interactions protéine-protéine expliquent les différences cérébrales et comportementales.
Vers un diagnostic et un traitement mieux personnalisé : « l’un des obstacles au développement de thérapies pour l’autisme est que les critères de diagnostic sont larges et s’appliquent donc à un groupe important et phénotypiquement diversifié de personnes avec différents mécanismes biologiques sous-jacents. Les nouvelles méthodes d’apprentissage automatique permettent aujourd’hui de traiter des milliers de gènes, des différences d’activité cérébrale et de multiples variations de comportement », explique le Dr Dr Logan Grosenick, un autre auteur principal, professeur de neurosciences en psychiatrie au Weill Cornell Medicine, un pionnier des techniques d’apprentissage automatique utilisées pour le sous-typage biologique.
4 groupes cliniquement distincts de personnes autistes :
- 2 des groupes se caractérisent par une intelligence verbale supérieure à la moyenne ;
1 groupe présente de graves déficits de communication sociale mais des comportements moins répétitifs ;
l’autre groupe présente des comportements plus répétitifs et moins de déficience sociale ;
les connexions entre les parties du cerveau qui traitent les informations visuelles et aident le cerveau à identifier les informations entrantes les plus saillantes sont hyperactives dans le sous-groupe souffrant le plus de déficience sociale ;
ces mêmes connexions sont affaiblies dans le groupe ayant des comportements plus répétitifs ;
au niveau des circuits cérébraux, des réseaux cérébraux similaires sont impliqués dans ces deux sous-types, mais les connexions dans ces mêmes réseaux sont atypiques et cela dans des directions opposées, précisent les chercheurs ;
- les 2 autres groupes présentent des déficiences sociales sévères et des comportements répétitifs, mais ont des capacités verbales aux extrémités opposées du spectre. En dépit de certaines similitudes comportementales, les schémas de connexion cérébrale sont totalement différents dans ces deux sous-groupes ;
L’analyse de l’expression des gènes pouvant expliquer les connexions cérébrales atypiques présentes dans chaque sous-groupe a permis de confirmer de nombreux gènes déjà liés à l’autisme ;
l’analyse des interactions entre les protéines associées aux connexions cérébrales atypiques révèle le rôle particulier de l’ocytocine, une protéine précédemment liée à des interactions sociales positives, au sein du sous-groupe d’individus ayant, justement, le plus de déficience sociale mais des comportements répétitifs relativement limités ; l’ocytocine intranasale comme thérapie pour les personnes autistes pourrait donc bien être plus efficace dans ce sous-groupe.
Enfin, ces nombreux résultats sont reproduits sur un deuxième ensemble de données humaines, et cette seconde analyse aboutit aux mêmes 4 sous-groupes.
Avec un grand espoir pour les personnes autistes et leurs famille : « Être diagnostiqué avec un sous-type d’autisme précis pourra permettre, comme suggéré avec l’ocytocine, un traitement du TSA mieux personnalisé ».
Source : Nature Neuroscience March, 2023 DOI : 10.1038/s41593-023-01259-x Molecular and network-level mechanisms explaining individual differences in autism spectrum disorder
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