Le choléra tue encore plus de 140.000 personnes chaque année dans le monde et infecte jusqu’à 4 millions d’autres, principalement dans les pays pauvres. Or, ces molécules trouvées dans le mucus pourraient prévenir l’infection, révèle cette recherche menée au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Les scientifiques américains expliquent dans l’EMBO Journal comment ces molécules protectrices pourraient offrir une nouvelle façon de traiter la maladie.
Le choléra est causé par la bactérie Vibrio cholerae, un agent pathogène d’origine hydrique qui infecte l’intestin des humains lorsqu’ils boivent de l’eau contaminée. Lors de l’ingestion, Vibrio cholerae colonise la surface interne de l’intestin et libère une toxine sur les cellules épithéliales. La toxine perturbe l’équilibre ionique à travers les parois de l’intestin, provoquant l’excrétion de diarrhée aqueuse. Un choléra sévère peut entraîner la mort en raison d’une déshydratation sévère.
L’équipe de Cambridge vient d’identifier des molécules présentes dans le mucus qui peuvent bloquer l’infection en interférant avec les gènes qui font basculer le microbe dans un état nocif. Ces molécules protectrices, des glycanes, sont un constituant majeur des mucines, les polymères gélifiants qui composent le mucus. L’équipe identifie un type spécifique de glycane qui peut empêcher Vibrio cholerae de produire la toxine qui conduit à la diarrhée sévère.
Si ces glycanes pouvaient être délivrés au site de l’infection,
ils pourraient aider à renforcer la barrière muqueuse et à prévenir les symptômes du choléra, qui affectent jusqu’à 4 millions de personnes par an. Parce que les glycanes désarment les bactéries sans les tuer, ils pourraient constituer une alternative intéressante aux antibiotiques, selon les chercheurs.
Les glycanes ne tuent pas la bactérie mais bloquent l’expression génique des toxines de virulence
« C’est donc un nouveau mécanisme que nous ciblons », explique l’auteur principal, Benjamin Wang. Il rappelle que le mucus, qui tapisse une grande partie du corps, joue un rôle clé dans le contrôle des microbes. De précédentes études ont en effet montré que les glycanes, notamment, des molécules de sucre complexes présentes dans le mucus, peuvent désactiver des bactéries telles que Pseudomonas aeruginosa et la levure Candida albicans, les empêchant de provoquer des infections nocives.
L’étude, à la différence des précédentes recherches de l’équipe, qui s’étaient concentrées sur les agents pathogènes pulmonaires, se concentre sur Vibrio cholerae, qui se transmet souvent par l’eau potable contaminée et entraîne une diarrhée et une déshydratation sévères. Il existe de nombreuses souches de Vibrio cholerae et on sait aujourd’hui qu’elles ne deviennent pathogènes que lorsqu’elles sont infectées par un virus phage, CTX. Ce phage porte les gènes qui codent pour la toxine du choléra, la toxine responsable des symptômes du choléra.
Un processus de conversion toxigène : il faut en effet que le phage CTX se lie à un récepteur présent à la surface de la bactérie connu sous le nom de « toxin co-regulated pilus » (TCP) pour que la bactérie libère la toxine responsable des symptômes.
- En travaillant avec des glycanes de mucine purifiés recueillis à partir du tractus gastro-intestinal du porc, l’équipe du MIT montre que certains glycanes suppriment la capacité de la bactérie à produire le récepteur TCP, de sorte que le phage CTX ne peut plus l’infecter.
- L’exposition aux glycanes de mucine modifie considérablement l’expression de nombreux autres gènes, y compris ceux nécessaires à la production de la toxine cholérique. Lorsque les bactéries sonr exposées à ces glycanes, elles ne produisent pratiquement plus de toxine cholérique.
- Lorsque Vibrio cholerae infecte les cellules épithéliales qui tapissent le tractus gastro-intestinal, les cellules commencent à surproduire une molécule appelée AMP cyclique. Cela les amène à sécréter des quantités massives d’eau, entraînant une diarrhée sévère. Cependant, là encore des cellules épithéliales humaines contaminées par Vibrio cholerae sont désarmées par des glycanes de mucine et ne produisent plus d’AMP cyclique et ne sécrètent plus d’eau.
Des glycanes spécifiques vs Vibrio cholerae : l’équipe a créé des versions synthétiques des glycanes les plus abondants trouvés dans les échantillons de mucine naturels comportant des structures appelées noyau 1 ou noyau 2, qui diffèrent légèrement par le nombre et le type de monosaccharides qu’ils contiennent. Les chercheurs constatent alors que les glycanes du noyau 2 jouent un rôle plus important dans la maîtrise de l’infection par le choléra.
Pris ensemble ces résultats suggèrent que le choléra se développe lorsque la barrière du mucus est compromise et manque de ces glycanes spécifiques. Ces glycanes apparaissent comme une cible prometteuse pour empêcher le développement de la maladie en empêchant Vibrio cholerae de libérer sa toxine nocive.
Source: The EMBO Journal 12 Dec, 2022 DOI: 10.15252/embj.2022111562 Host-derived O-glycans inhibit toxigenic conversion by a virulence-encoding phage in Vibrio cholerae
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