On estime que plus de 30 % des patients insuffisants cardiaques utilisent des médecines complémentaires et alternatives. Mais quels sont les avantages, ou les risques possibles de ces alternatives pour l’insuffisance cardiaque ? Existe-t-il des thérapies alternatives et non médicamenteuses véritablement efficaces ? Cette nouvelle déclaration scientifique de l’American Heart Association (AHA) nous offre, dans la revue Circulation, un état actualisé de la science sur le sujet. Avec de nombreuses implications pour les cliniciens et leurs patients.
On estime que 6 millions de personnes âgées de 20 ans et plus aux seuls États-Unis souffrent d’insuffisance cardiaque, une maladie dont la prévalence est estimée proche de 2 % dans le monde. La maladie est caractérisée par une incapacité du cœur à pomper suffisamment de sang et donc à alimenter correctement l’organisme en sang, en oxygène et en nutriments.
Des bénéfices et des risques des médecines complémentaires et alternatives
dans la gestion de l’insuffisance cardiaque
Cet examen de la littérature sensibilise ainsi aux avantages de certaines médecines alternatives mais aussi à des risques pouvant être sévères pour des patients insuffisants cardiaques, qui utilisent des traitements complémentaires et alternatifs pour gérer les symptômes, sans prescription médicale. Ces patients utilisateurs de traitements en vente libre ou de suppléments à base de plantes sont invités à en informer leurs médecins. A l’inverse les médecins et autres professionnels de santé devraient interroger leurs patients sur leur recours éventuel à ces thérapies alternatives.
Cette large analyse, entre autres conclusions, nous apprend que des pratiques comme le yoga et le tai-chi sont bénéfiques pour les personnes souffrant d’insuffisance cardiaque, et les acides gras polyinsaturés oméga-3 peuvent également présenter des avantages pour certains patients. En revanche, elle relève des problèmes de sécurité avec certains suppléments en vente libre, dont la vitamine D, le muguet ou l’actée à grappes bleues.L’examen passe en revue largement les thérapies de médecine complémentaire et alternative (pratiques, suppléments et approches) qui ne sont pas conformes aux normes des directives sanitaires fondées sur des preuves et sont disponibles sans ordonnance ni conseil médical.
L’un des principaux auteurs et experts, le Dr Sheryl L. Chow, FAHA (Fellow of the American Heart Association) explique que ces produits ou pratiques ne sont pas réglementés et n’ont pas, pour la plupart, démontré leur efficacité ou leur innocuité de manière à répondre aux mêmes normes que les médicaments sur prescription.
« Ainsi, les patients peuvent ne pas être conscients du risque d’effets indésirables et d’interactions avec d’autres traitements prescrits ».
Cette analyse de la littérature publiée sur le sujet jusqu’à novembre 2021 a couvert un très large spectre de ces thérapies complémentaires et alternatives utilisées par les patients atteints d’insuffisance cardiaque dont la coenzyme Q10, la vitamine D, le ginkgo, le jus de pamplemousse, la griffe du diable (harpagophytum), l’alcool, l’aloe vera et la caféine, ou encore des pratiques telles que le yoga et le tai-chi.
Quelles sont les thérapies alternatives bénéfiques, qui peuvent bénéficier aux personnes souffrant d’insuffisance cardiaque ?
- Les acides gras polyinsaturés oméga-3 (AGPI, huile de poisson) réunissent les preuves les plus solides pour un bénéfice clinique chez ce groupe de patients. De plus, ces suppléments peuvent être utilisés en toute sécurité, avec modération, et toujours en informant l’équipe soignante. Ainsi, les oméga-3 sont clairement associés à une réduction du risque d’insuffisance cardiaque et, pour les patients qui en souffrent déjà, à des améliorations de la capacité de pompage du cœur ;
- le yoga et le tai-chi, combinés au traitement standard, peuvent contribuer à réduire la pression artérielle, à améliorer la tolérance à l’exercice et la qualité de vie ;
en revanche,
- si de faibles taux sanguins de vitamine D sont associés à des formes d’insuffisance cardiaque plus graves, la supplémentation ne présente aucun avantage, voire peut être nocive lorsqu’elle est combinée avec des médicaments contre l’insuffisance cardiaque tels que la digoxine (cardiotonique), les inhibiteurs calciques et les diurétiques ;
- les suppléments à base de « plantes à grappes bleues », peuvent entraîner une accélération du rythme cardiaque ou tachycardie, une hypertension artérielle, des douleurs thoraciques et peuvent faire monter la glycémie. Ces mêmes suppléments peuvent diminuer l’effet des médicaments standards prescrits pour traiter l’hypertension artérielle et le diabète de type 2 ;
- les suppléments à base de muguet (dont la racine, les tiges et la fleur) utilisés depuis longtemps dans l’insuffisance cardiaque légère car riches en composés chimiques « digoxine-like » peuvent cependant être nocifs , justement lorsqu’ils sont combinés avec la digoxine. Le muguet peut ainsi provoquer un rythme cardiaque irrégulier, de la confusion et de la fatigue ;
- d’autres thérapies sont énumérées comme inefficaces sur la base des preuves actuelles. Il s’agit de :
- la supplémentation en thiamine sauf en cas de carence avérée ;
- les données sur l’alcool sont mitigées, certaines études suggérant que la consommation de quantités faibles à modérées (1 à 2 verres par jour) est associée à la prévention de l’insuffisance cardiaque, alors qu’une consommation régulière ou plus élevée serait plutôt toxique pour le muscle cardiaque ;
- idem, pour les résultats concernant la vitamine E qui peut présenter certains avantages pour réduire le risque d’insuffisance cardiaque avec une fraction d’éjection préservée, un type d’insuffisance cardiaque dans lequel le ventricule gauche est incapable de se remplir correctement de sang entre les battements cardiaques. Cependant, la vitamine est également associée à un risque accru d’hospitalisation chez les personnes souffrant d’insuffisance cardiaque ;
- la coenzyme Q10, est un antioxydant présent en petites quantités dans les abats, les poissons gras et l’huile de soja, et couramment utilisé comme complément alimentaire, pourrait, selon quelques études, réduire l’insuffisance cardiaque, ses symptômes et améliorer la qualité de vie, cependant Q10 peut aussi interagir avec les anti-coagulants et hypotenseurs. Des essais plus importants restent donc nécessaires pour préciser ses effets ;
- les suppléments à base d’aubépine semblent augmenter la tolérance à l’exercice et réduire certains symptômes tels que la fatigue. Cependant, d’autres études aboutissent à des résultats contradictoires.
En résumé, cette déclaration scientifique réactualise, à destination des professionnels de santé les avantages et les inconvénients des produits de médecine complémentaire et alternative fréquemment préconisés, parfois sans preuve d’efficacité et d’innocuité dans la gestion de l’insuffisance cardiaque.
Source: Circulation 8 Dec, 2022 DOI : 10.1161/CIR.0000000000001110 Complementary and Alternative Medicines in the Management of Heart Failure: A Scientific Statement From the American Heart Association
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