Un médicament anticancéreux pourrait être efficace contre le paludisme, conclut cette équipe de biologistes et de pharmacologues de la Penn State qui s’est concentrée sur la réponse du parasite à cet anticancéreux, le sapanisertib. L’équipe démontre, dans la revue Science Translational Medicine que l’anticancéreux affecte le métabolisme de l'hémoglobine du parasite jusqu’à, apportant un nouvel espoir contre une maladie qui tue toujours plus d'un demi-million de personnes chaque année, affectant particulièrement gravement les enfants âgés de moins de 5 ans, les femmes enceintes et les patients atteints du VIH.
Le médicament anticancéreux, en cours d'essais cliniques, présente ainsi un potentiel pour la prévention, la protection et le traitement du paludisme, dans un contexte pandémique, dans lequel la prise en charge de maladie a parfois été négligée.
« La pandémie a perturbé les vaccinations, des traitements et des soins du paludisme et, dans le même temps, la résistance aux thérapies combinées à base d'artémisinine de première intention s’est accrue », résume l’auteur principal, le Dr Manuel Llinás, professeur de biochimie et de biologie moléculaire à la Penn. Ce contexte rend encore plus urgente l'identification de nouvelles options thérapeutiques pour maintenir un certain contrôle sur la maladie.
Dans l’idéal, il s’agirait de développer des médicaments qui fonctionnent différemment des thérapies actuelles,
de manière à contourner le problème des résistances.
L’étude : les chercheurs utilisent la spectrométrie de masse et un processus appelé profilage métabolique pour regarder si des médicaments qui agissent par l'intermédiaire de cibles protéiques d'origine humaine, peuvent être actifs sur des cibles protéiques similaires chez le parasite du paludisme. Ils vérifient en fait si le sapanisertib, un médicament qui fait actuellement l'objet d'essais cliniques pour le traitement de différents cancers, notamment le cancer du sein, le cancer de l'endomètre, le glioblastome, le carcinome à cellules rénales et le cancer de la thyroïde, peut être utilisé pour traiter le paludisme.
Le sapanisertib semble bien avoir le potentiel de protéger, de guérir et de bloquer la transmission du paludisme en tuant le parasite du paludisme à plusieurs stades de son cycle de vie, à l'intérieur de son hôte humain.
- Cela comprend le moment où le parasite se trouve dans le foie, où il se développe et se multiplie pour la première fois ;
- lorsqu'il se trouve dans les globules rouges de l'hôte, au moment où apparaissent les premiers symptômes cliniques ;
- et lorsqu'il se divise sexuellement dans les globules rouges de l'hôte pour produire les formes transmissibles du parasite. La forme transmissible est généralement absorbée par le moustique anophèle femelle lors d'un repas de sang et transmise lors de repas ultérieurs infectant ainsi un nouvel hôte.
« Dans le cancer, le sapanisertib inhibe une protéine kinase appelée mTOR qui régule une variété de processus cellulaires, dont la réponse immunitaire et l'autophagie. Cependant, jusqu'à cette étude, on ne savait pas comment cela affecterait le parasite du paludisme. Nous avons utilisé un processus appelé profilage d'empreintes métaboliques et avons constaté que la réponse du parasite au sapanisertib ressemblait à une inhibition par d'autres inhibiteurs de protéine kinase que nous avions étudiés. Grâce à ses effets sur le métabolisme de l'hémoglobine du parasite, une protéine qui transporte l'oxygène dans le sang, nous avons déterminé que le sapanisertib peut cibler une kinase appelée PKG clé dans le cycle de vie du parasite ».
Quel mécanisme ? Le sapanisertib inhibe en fait plusieurs protéines kinases importante pour la survie du parasite du paludisme. Son action à « plusieurs coups » et son efficacité antipaludique, associées à une puissante inhibition de plusieurs cibles protéiques, dont au moins 2 qui se sont déjà avérées être des cibles intéressantes, soutiennent de poursuivre les recherches pour confirmer l’intérêt de son repositionnement.
Le repositionnement est bien une tendance thérapeutique de fond, qui consiste à identifier de nouvelles utilisations pour un médicament existant, déjà approuvé et testé pour sa sécurité dans d’autres indications. Ce type de stratégie est tout particulièrement bienvenu pour le traitement des maladies négligées et tropicales telles que le paludisme, pour lesquelles les ressources sont limitées et les rendements financiers plus faibles.
Source: Science Translational Medicine 19 Oct, 2022 DOI: 10.1126/scitranslmed.abo7219 The anticancer human mTOR inhibitor sapanisertib potently inhibits multiple Plasmodium kinases and lifecycle stages
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