L’épidémie mondiale de monkeypox offre au virus une opportunité sans précédent de s’adapter à l’Homme. « Le virus deviendra-t-il « pire » », s’interrogent ces experts virologues, dans la revue Science. Le virus monkeypox a déjà causé plus de 60.000 cas dans le monde depuis mai 2022, dont plus de 20.500 dans les 29 pays d’Europe.
Il y a quelques années, des scientifiques ont analysé les restes de 1.867 humains ayant vécu entre 30.000 et 150 ans afin d’identifier des traces génétiques du virus de la variole. Ces chercheurs ont retrouvé suffisamment d’ADN pour reconstruire des génomes entiers des virus d’alors, qui se sont avérés non directement liés aux souches ayant circulé au 20e siècle, mais ont fourni des indices sur la virulence du virus.
Le virus moderne de la variole a perdu plusieurs gènes « dans un passé récent », par le biais de différentes mutations qui ont pu conférer au virus plus de virulence entraînant dans le passé des taux de mortalité ayant pu atteindre 30 %.
La mortalité pourrait-elle s’élever ?
Depuis mai 2022, le nouveau virus de la variole du singe (monkeypox), beaucoup moins mortel que ses prédécesseurs, s’est propagé dans le monde entier, avec des opportunités sans précédent de changer et de s’adapter à la population humaine. « Va-t-il évoluer pour devenir plus contagieux ou provoquer une maladie plus grave ? », s’interrogent les experts.
L’histoire récente du SRAS-CoV-2 donne en effet à réfléchir. Après avoir émergé à Wuhan fin 2019, ce virus a d’abord engendré une série de variantes qui pouvaient se propager beaucoup plus rapidement que leurs progéniteurs, puis ont évolué pour échapper à l’immunité humaine. Ses astuces ont surpris même certains scientifiques qui ont longtemps étudié l’évolution virale.
Le monkeypox pourrait bien nous réserver des surprises : une analyse de chercheurs de Berlin de séquences du génome du virus trouvées dans les lésions de 47 patients atteints de monkeypox révèle un virus dans lequel un gène entier s’avère dupliqué et 4 autres gènes ont tout simplement disparu, « avec des conséquences imprévisibles », préviennent ces scientifiques qui suggèrent que
le monkeypox humain pourrait s’éloigner du phénotype que nous connaissons depuis 64 ans.
De nombreux chercheurs doutent néanmoins de l’imminence du danger. L’un des experts, Geoffrey Smith, poxvirologue à l’Université de Cambridge, doute que le virus de la variole du singe se transforme facilement en une version beaucoup plus virulente. Les génomes massifs des poxvirus sont connus pour évoluer à un rythme lent, le monkeypox se propage principalement chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, et « seulement » 60.000 cas environ sont signalés à ce jour.
D’autres envisagent le scenario le pire, comme Bernard Moss, chercheur expert des poxvirus à l’Institut national américain des allergies et des maladies infectieuses (NIAID/NIH), qui n’écarte pas l’hypothèse que le virus puisse évoluer pour se répliquer plus rapidement chez l’Homme.
Pour l’instant, le virus monkeypox actuel ne semble pas très efficace pour infecter les humains et bien que les épidémies soient devenues plus fréquentes ces dernières années, elles sont généralement restées modestes. Après chaque émergence, le virus a disparu chez l’Homme. Cependant, l’épidémie actuelle pose question : « Nous n’avons jamais vu ce virus avec une telle capacité de s’adapter à l’Homme ». Si le nombre d’infections restait limité, le virus sera difficile à éradiquer, alertent les chercheurs.
Les poxvirus mutent lentement par rapport aux virus à ARN. Leurs génomes sont assez stables et ces virus ne modifient pas leurs protéines de surface pour échapper à l’immunité, comme le fait le SRAS-CoV-2.
Une variole, lorsqu’on survit, confère une immunité à vie,
et les vaccins sont restés très efficaces.
Quel modèle de mutations ? De nombreuses équipes de recherche travaillent actuellement à reconstituer les mutations et les glissements génomiques du monkeypox pour comprendre et savoir comment le virus a évolué. Obtenir des séquences de haute qualité est plus difficile et plus coûteux que pour le SRAS-CoV-2, non seulement parce que le génome du monkeypox est très vaste, mais aussi parce que les régions cruciales près de ses extrémités peuvent être riches en répétitions ou en suppressions, ce qui peut induire les chercheurs en erreur.
« La manipulation de ces génomes est plus complexe que celle des virus à ARN ».
Quelques résultats déjà : la comparaison de génomes récents et plus anciens, révèle que les virus actuels présentent plus de mutations ponctuelles que prévu après seulement quelques années, et que la majorité d’entre elles suivent le même schéma, la combinaison de nucléotides guanine-adénine se transformant en adénine-adénine ou la combinaison thymine-cytosine se transformant en thymine-thymine.
A terme, ces changements pourraient affecter la façon dont le virus interagit avec le système immunitaire humain, affaiblissant ses défenses, par exemple. Mais essayer de prédire les effets de mutations spécifiques, c’est comme tenter de faire des prévisions météorologiques à très long terme.
Plusieurs virologues font ici part de leurs inquiétudes : « Le virus essaie de s’adapter aux humains et les humains essaient de se débarrasser du virus. Qui va prendre le dessus ? À long terme, nous parions sur le virus ».
Source : Science Sept, 2022 DOI : 10.1126/science.ade8470 Moving Target
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