Les personnes souffrant de syndrome d’apnée obstructive du sommeil (SAOS) encourent un risque accru de cancer, selon cette vaste étude présentée Congrès international 2022 de l’European Respiratory Society (ERS, Barcelone), la première à documenter l’apnée comme un facteur direct et indépendant de ce risque. D’autres études, présentées également au congrès de l’ERS, viennent confirmer d’autres effets mieux connus de l’apnée du sommeil, dont la diminution des capacités cognitives et le risque accru de caillots sanguins et de thromboembolie veineuse (TEV).
Le syndrome d’apnée obstructive du sommeil (SAOS) est un trouble du sommeil courant, affectant entre 7 et 13% de la population, caractérisé par une obstruction partielle ou complète des voies respiratoires pendant le sommeil qui induit plusieurs pauses respiratoires par nuit. L’apnée peut se manifester par des ronflements bruyants, des halètements, des étouffements et une somnolence diurne. L’apnée est plus prévalente chez les personnes en surpoids ou obèses, atteintes de diabète, qui fument ou consomment de l’alcool en excès. Les patients souffrant d’apnée du sommeil non traitée sont plus susceptibles de développer une maladie cardiovasculaire, une démence et une dépression. Le traitement standard de l’apnée obstructive du sommeil (SAOS) est la thérapie par pression positive continue, une thérapie souvent mal acceptée et tolérée par les patients.
La privation d’oxygène liée au SAOS est associée de manière indépendante au cancer
La première étude : le Dr Andreas Palm, chercheur à l’Université d’Uppsala (Suède) rappelle que si un risque accru de cancer a déjà été suggéré en association avec l’apnée, une association directe et indépendante n’a pas été démontrée et d’autres facteurs de risque connexes pourraient être évoqués. Cette étude est donc la première à démontrer que la privation d’oxygène liée au SAOS est associée de manière indépendante au cancer.
L’étude a examiné les données de 62.811 patients, 5 ans avant le début du traitement du SAOS, par pression positive continue (CPAP) et ces données ont été rapprochées de celles du registre national suédois des cancers. Les chercheurs ont pris en compte des facteurs de confusion possibles et ont apparié 2.093 patients atteints de SAOS et d’un diagnostic de cancer jusqu’à 5 ans avant le diagnostic de SAOS avec un groupe témoin de 2.093 patients atteints de SAOS mais sans cancer. L’analyse révèle que
- les patients atteints de cancer avaient souffert d’un SAOS plus sévère, tel que mesuré par l’indice d’apnée-hypopnée moyen de 32 et un indice de désaturation en oxygène de 28. En résumé, cet indice était plus élevé chez les patients atteints d’un cancer du poumon (38 vs 27), d’un cancer de la prostate (28 vs 24) et d’un mélanome malin (32 vs 25).
L’implication est toujours la nécessité de traiter l’apnée du sommeil mais aussi de considérer une apnée non traitée comme un facteur de risque de cancer. Sans que, néanmoins, le dépistage de ces cancers soit justifié ou recommandé chez tous les patients avec apnée non traitée.
Il s’agira enfin d’étudier les effets possibles de la CPAP sur l’incidence du cancer et la survie.
Une seconde étude documente baisse de certaines capacités cognitives chez les personnes âgées et en particulier âgées de 74 ans ou plus. Le professeur Raphaël Heinzer, directeur du Centre de recherche sur le sommeil (CIRS) de l’Université de Lausanne montre avec son équipe que le SAOS est lié à un déclin cognitif plus élevé sur une période de 5 ans. Au total, 358 participants ont passé un test de sommeil pour examiner la présence et la gravité de leur SAOS et ont passé des tests cognitifs en 2009 et 2013, puis 5 années plus tard. L’analyse confirme que :
- les faibles niveaux d’oxygène pendant le sommeil dus au SAOS sont associés à un déclin plus important de la fonction cognitive globale, de la vitesse de traitement, de la fonction exécutive et de la mémoire verbale.
Une troisième étude confirme que les patients atteints de SAOS sévère sont plus à risque de caillots sanguins mortels. Menée par l’équipe de Wojciech Trzepizur, du CHU d’Angers, l’étude, qui a suivi 7.355 patients sur 6 ans, révèle que les patients atteints de SAOS plus sévère sont plus susceptibles de développer une thromboembolie veineuse (TEV) :
- 104 participants ont développé des TEV au cours du suivi ;
- les participants qui passaient plus de 6% de leur nuit avec des niveaux d’oxygène dans le sang inférieurs à 90% de la normale présentent un risque presque double de développer des TEV par rapport aux patients sans privation d’oxygène.
Il reste également à regarder si une thérapie CPAP, pourrait réduire le risque de TEV chez les patients présentant une privation nocturne marquée d’oxygène.
Prises ensemble, ces 3 études montrent des associations inquiétantes entre l’apnée obstructive du sommeil et des maladies importantes qui affectent la survie et la qualité de vie. Les données confirment la pertinence de l’association entre l’apnée du sommeil et le cancer, les thromboembolies veineuses et la santé cognitive.
Si ces études, d’observation, ne démontrent pas la relation de cause à effet, les patients souffrant d’apnée devraient être informés et incités, afin de prévenir ces risques associés, à opter pour un mode de vie sain.
Sources: European Respiratory Society International Congress 2022 4 Sept, 2022 Session « Obstructive sleep apnea consequences and management »
- Abstract no: OA2290, “Cancer prevalence is increased in obstructive sleep apnea – the population-based DISCOVERY study”
- Abstract no: OA2287, “Obstructive sleep apnea and cognitive decline in the elderly population: the HypnoLaus study”
- Abstract no: OA2288, “Sleep apnea and incident unprovoked venous thromboembolism: Data from the French Pays de la Loire Sleep Cohort”
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