Les mutations génétiques qui contribuent aux cancers, et dans cette étude au cancer de la tête et du cou- fournissent également des cibles de traitements « de précision », c’est la piste ouverte par cette équipe de généticiens et cancérologues de l’Augusta University (Géorgie) qui exploite l'analyse génomique individualisée pour identifier la mutation spécifique d'un patient et la recherche des médicaments qui la ciblent directement.
Ces travaux, exposés dans la revue npj Genomic Medicine sensibilisent à un champ de recherche qui devrait faire l'objet d'un intérêt croissant dans le développement des thérapies anticancéreuses.
Environ 20 % des cancers souvent mortels de la tête et du cou hébergent des mutations génétiques dans l’une des voies essentielles à la croissance cellulaire et ces scientifiques nous expliquent que ces mutations, qui permettent accéssoirement une croissance anormale des cellules cancéreuses aussi, peuvent constituer la clé même de leur vulnérabilité.
Clés de croissance, clés de vulnérabilité
Voies de croissance : la voie MAPK est un « hub de signalisation » pour les cellules importantes pour le développement habituel de la région de la tête et du cou, et l'activation des constituants clés de la voie, comme les gènes MAPK1 et HRAS, est connue pour stimuler la croissance d'une variété de cancers, explique ainsi l’un des auteurs principaux, le Dr. Vivian Wai Yan Lui, pharmacologue moléculaire et chercheur au Georgia Cancer Center et au Medical College of Georgia.
Un cas clinique : L'intérêt de l’équipe pour la voie MAPK est né il y a une dizaine d’années, à l'Université de Pittsburgh où l’un des auteurs principaux, le Dr Vivian Wai Yan étudiait le cancer de la tête et du cou. Un patient dans la trentaine, gros fumeur et buveur, avait un carcinome épidermoïde de la tête et du cou de stade 4 qui avait métastasé dans ses ganglions lymphatiques. Alors encore naïf de traitement, il avait reçu, durant 13 jours, un médicament (erlotinib) bloqueur du récepteur du facteur de croissance épidermique, ou EGFR, impliqué dans la croissance cellulaire, et abondamment exprimé lors de la croissance tumorale rapide. Lors de l’intervention chirurgicale, le chirurgien avait alors signalé qu'il n'y avait pas de cancer sur sa langue ni dans ses ganglions lymphatiques… La réponse avait alors été qualifiée de «réponse exceptionnelle», suggérant que cibler certaines mutations en particulier pouvait inhiber aussi, la croissance des cellules tumorales- ici « dépendantes » du signal de l'EGFR muté.
Voies de vulnérabilité : les mêmes mutations des gènes de la voie MAPK qui permettent la croissance tumorale peuvent donc aussi la rendre sensible à la pharmacothérapie. A partir de là, il va falloir identifier plus de mutations dans la voie MAPK et les médicaments qui les ciblent, expliquent les chercheurs : « chaque type de cancer a probablement une ou plusieurs mutations sensibilisantes aux médicaments qui peuvent varier selon les patients en fonction de la façon dont ils ont développé leur cancer ».
Quelle méthodologie ? L’équipe constitue des panels de gènes qui vont permettre d’accélérer la découverte de cibles dans ce cancer très hétérogène. D’autres centres mènent également des essais cliniques dans le monde entier pour identifier ces mutations spécifiques et les médicaments qui les ciblent avec précision. Ensuite, les chercheurs appellent leurs collègues qui « rencontrent » de telles réponses exceptionnelles à partager ces cas cliniques. Ensuite, l’objectif sera de combiner cette approche de « médecine de précision » à l'immunothérapie qui induit le système immunitaire d'un patient à mieux cibler également le cancer.
Quelles implications pour les patients ? Le message, pour les patients, est de « ne pas abandonner » car avec une analyse plus approfondie des tumeurs, il existe des mutations responsables de la croissance tumorale qui rendent leur cancer vulnérable à un médicament spécifique.
La médecine génomique qui permet aujourd’hui d’identifier et de cibler une mutation génétique spécifique, ouvre une nouvelle voie large et prometteuse pour un grand nombre de cancers pour lesquels il n’existe aujourd’hui pas ou peu de traitements.
Source: npj Genomic Medicine 16 March, 2022 DOI : 10.1038/s41525-022-00293-1 Precision drugging of the MAPK pathway in head and neck cancer
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