Contrairement aux idées reçues, si en effet de nombreuses cellules immunitaires circulent dans le sang, d’autres, bien plus nombreuses « squattent » certains tissus et cela durant parfois des années. C’est ce que révèlent ces travaux menés au Hans Knoell Institute (Iéna). Un phénomène découvert par cette équipe allemande lors de l’examen d’échantillons de patients après une greffe de cellules souches. Au-delà de cette découverte étayée dans la revue Science Immunology, les chercheurs sont ajourd'hui capables de caractériser ces cellules résidentes avec de probables implications pour le succès des greffes de cellules souches et d'organes.
Lorsque des agents pathogènes pénètrent dans le corps humain, un grand nombre de cellules immunitaires se rendent rapidement disponibles pour reconnaître et détruire les envahisseurs. Parmi ces cellules, figurent les lymphocytes T, un type de globules blancs capables de reconnaître directement les agents pathogènes, tels que les virus ou les bactéries. On appelle souvent les lymphocytes T des « cellules sanguines », une dénomination trompeuse, alors que la recherche révèle que les lymphocytes T restent parfois dans la peau pendant des années.
D’ailleurs, la majorité des lymphocytes T restent dans les tissus,
souligne l’auteur principal, Christina Zielinski : « On a longtemps supposé que les lymphocytes T ne circulent que brièvement dans les tissus, par exemple pour y combattre une infection, mais ne s'y attardent pas, migrant ensuite directement dans la circulation sanguine ». Notre recherche montre qu’en fait la plus grande partie des lymphocytes T restent dans les tissus à long terme, et qu'ils sont beaucoup moins nombreux à circuler réellement dans le corps.
Ainsi, les prélèvements de sang pourraient être très peu révélateurs de la qualité des défenses immunitaires d’un sujet.
Suivre les cellules T « à la trace » : c’est ce qu’a réussi cette équipe à partir d’échantillons de patients ayant reçu des greffes de cellules souches allogéniques. Le système immunitaire de ces participants avait été détruit par la chimiothérapie et la radiothérapie puis avait été reconstruit à l'aide de cellules souches sanguines d'un donneur. Les chercheurs ont examiné des biopsies cutanées et des échantillons de sang prélevés 2 à 3 ans après la thérapie par cellules souches. Cela leur a permis de déterminer si les lymphocytes T qu'ils ont trouvés provenaient du patient ou du donneur et ont pu déterminer l'empreinte génétique des cellules du patient. Ces analyses montrent que :
- la moitié des cellules T de la peau provenaient des patients eux-mêmes, alors que dans le sang, les cellules T provenaient presque exclusivement des donneurs ;
- en d’autres termes, les propres cellules immunitaires du patient ont survécu pendant des années dans le tissu cutané ;
- cependant, seulement environ un quart des receveurs de la thérapie par cellules souches présentaient ce profil ; le système immunitaire avait été complètement renouvelé chez les autres participants ;
- cependant, cela suffit à démontrer que les cellules T peuvent résider des années dans le tissu cutané.
Quelles implications ? Ces cellules T résidentes pourraient avoir une fonction protectrice, pourraient empêcher les cellules du donneur de pénétrer dans le tissu et éviter ainsi une réaction d'inflammation. Les cellules T résidentes trouvées ici dans les tissus cutanés présentaient en effet des propriétés anti-inflammatoires.
La question mérite d’être posée en cas de greffe d’organe, de foie par exemple : là encore, la question est de savoir si les cellules T restant dans le tissu – dans ce cas du donneur – peuvent éventuellement protéger l'organe contre le rejet.
Les cellules résidentes ont des caractéristiques bien spécifiques : ces travaux révèlent également que les cellules T résidentes sont adaptées de manière optimale à la peau et peuvent ainsi soutenir spécifiquement sa fonction de barrière contre les agents pathogènes. En utilisant de nouvelles techniques de séquençage d'ARN unicellulaire, il devient possible d’identifier les déplacements des cellules T mémoire qui quittent les tissus et peuvent ensuite être retrouvées dans la circulation sanguine. L’identification de marqueurs génétiques des lymphocytes T résidents pourra permettre d’étudier plus avant leur fonction et le cas échéant l'exploiter lors des greffes de cellules, de peau ou d'autres organes. .
Source: Science Immunology 28 Jan, 2022 DOI : 10.1126/sciimmunol.abe2634 Human skin-resident host T cells can persist long term after allogeneic stem cell transplantation and maintain recirculation potential
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