Une sexualité vécue de façon épanouie peut contribuer à un équilibre de vie idéal. Moteur de bien-être, la sexualité se transforme parfois en souffrance psychique. Lorsque l’érotisme et le sexe deviennent une véritable addiction, marquée par la compulsion et le manque de contrôle, alors il est nécessaire d’accompagner la prise en charge du trouble. Mais comment traiter l’addiction au sexe ?
Il n’existe pas une sexualité normale tout comme il n’existe pas qu’une seule pratique de la sexualité : celle-ci est propre à chacun, visant satisfaction individuelle, épanouissement dans la relation et respect de l’autre. Il est donc difficile de donner une dimension quantitative pour diagnostiquer le comportement sexuel pathologique.
L’addiction au sexe ne fait pas encore partie des classifications psychiatriques internationales, et peu d’études sont publiées sur le trouble. On parle d’addiction au sexe lorsque la fréquence des besoins et des rapports devient incontrôlable, excessive et de plus en plus importante. La personne qui en souffre ne possède plus la capacité de s’arrêter, et cela, en dépit des répercussions négatives sur l’ensemble de sa vie.
On retrouve dans les signes de la nymphomanie une expression démesurée de pulsions, de comportements sexuels et de fantasmes qui interfèrent dans le quotidien. Le besoin se veut impérieux, obsédant, la perte de contrôle prend constamment le dessus. Finalement, les retombées sur l’humeur sont intenses. Cette addiction sexuelle enclenche un processus de relation pathologique avec le sexe qui devient source de souffrance.
Reconnaître la maladie aide à la prise en charge
Comme pour tous les troubles mentaux et en particulier dans le cas des troubles de l’addiction, accepter la souffrance et reconnaître le comportement problématique est essentiel. Cependant, un déni de l’état addictif est souvent ancré. En effet, la personne va avoir tendance à rationaliser ses comportements, qu’elle pense maîtriser.
Généralement, l’intention de changer est sincère, mais rarement possible sans un accompagnement thérapeutique. Les personnes qui souffrent d’addiction sexuelle sont bloquées dans un cercle vicieux :
- L’obsession sexuelle est au centre de leur vie, toute l’énergie psychique s’oriente à préparer et atteindre la satisfaction des besoins ;
- La ritualisation teinte l’ensemble de comportements pouvant amener au contentement, en plus d’entretenir et de renforcer l’excitation ;
- La compulsion surplombe tout, la répétition de la conduite sexuelle est incontrôlable ;
- Vient alors la phase d’impuissance et de désespoir face au trouble, face à soi-même.
Mais l’addiction est en quelque sorte « auto-entretenue », puisque pour soulager le désarroi, la personne va de nouveau avoir recours aux conduites sexuelles. En phase de désespoir, elle prend des résolutions et essaye de fournir des efforts qui sont impossibles à tenir, car l’attraction est trop forte. Résister est intenable.
La rechute confronte l’individu à son impuissance. Il se sent faible, honteux, indigne de confiance et se replie sur lui-même. Bien que les conséquences soient délétères, elles sont passées au second plan et la poursuite des comportements à risque perdure.
Complexe alors dans ces conditions d’affronter le regard d’un professionnel pour en parler. Si la honte est trop intense et empêche de se rendre directement dans un cabinet, une autre solution existe : la thérapie en ligne. Fonctionnant grâce à un espace de messagerie, la thérapie est assurée par un psychologue clinicien choisi par le patient selon son expertise. Envolée la crainte de faire face à l’autre pour exprimer son affliction et ses comportements.
Interrogé par Europe 1, Alexandre Chombeau, le directeur général de La Clinique E-Santé s’exprime sur la thérapie à distance : « Beaucoup de cliniques disent faire de la thérapie en ligne, mais font de la téléconsultation, sans suivi de proximité. Avec La Clinique E-Santé, il y a un gain de temps et d’efficacité qui fait que le patient ressent rapidement l’évolution et abandonne beaucoup moins sa thérapie. De plus, il voit son évolution graphiquement, au travers de protocoles en plusieurs étapes ».
Un diagnostic précis nécessaire
L’addiction sexuelle provoque des conséquences délétères à plusieurs niveaux. Déjà sur le plan médical : en cas de prise de risque lorsque les rapports ne sont pas protégés. Psychologiquement, la personne est en souffrance extrême et peut développer un syndrome dépressif, nourrir des idées noires, voire développer d’autres addictions.
L’éloignement de la famille et des amis est fréquent, et la sphère professionnelle est très souvent impactée pour deux raisons. La première est que la dépendance vient s’immiscer jusque dans le travail, par exemple la personne va utiliser son ordinateur pour consommer du contenu pornographique. La seconde réside dans le fait que l’addiction sexuelle provoque une distorsion de la réalité : tout est teinté d’interprétation sexuelle et érotique, les échanges et les rapports interpersonnels ne sont plus vécus de façon normale.
Mais des causes purement médicales peuvent engendrer ce trouble de l’addiction voire en être à l’origine. C’est pourquoi il est nécessaire d’évaluer leur présence en amont avec un diagnostic médical précis. Par exemple, des troubles neurologiques ou des démences frontales, comme la maladie d’Alzheimer, sont parfois responsables de l’affection.
Les traitements à base d’agonistes dopaminergiques prescrits en cas de maladie de Parkinson vont, dans certains cas, provoquer cette hypersexualité, la dopamine jouant un rôle dans le contrôle sexuel.
Le premier motif de consultation est rarement la pathologie elle-même. La personne vient souvent pour évoquer une dépression, une autre dépendance (à l’alcool, aux drogues ou encore aux jeux d’argent), une tentative de suicide voire pour des symptômes d’infections sexuellement transmissibles.
Comprendre les causes de l'addiction
L’addiction au sexe, comme pour toutes les addictions, est le résultat d’une interaction complexe entre de nombreux facteurs de vulnérabilité : génétiques, neurobiologiques, développementaux, comportementaux, psychologiques et environnementaux. Tout le monde ne devient pas accro, et c’est un terrain individuel parfois fertile qui favorise la survenue du trouble.
Généralement, le comportement se présente à un moment fragile, moment déclencheur. La personne s’y réfugie pour s’évader et compenser cette fragilité. La perte de contrôle et l’addiction s’installent insidieusement. Mais d’autres éléments vont jouer, par exemple les traits de personnalité impulsifs, les troubles associés comme les troubles de l’humeur, le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, ou les comorbidités addictives. Aussi, le temps passé à regarder du contenu pornographique impacte les représentations de l’autre.
L’addiction sexuelle ne procure jamais une véritable satisfaction, d’autant que la recherche de l’excitation et des sensations se fait sans cesse croissante, pour obtenir l’effet escompté. L’appel à l’addiction sexuelle est propre à chacun et permet de panser des plaies, de soulager une tension interne de tristesse ou d’anxiété.
Parfois il s’agit d’évitement pour échapper à un problème. Certains sont dans une forme d’autodestruction où la conduite sexuelle légitime de souffrir et d’être puni. La quête de nouveautés, de sensations fortes, est probable. Enfin, une faille narcissique peut amener à vouloir remplir un vide, pour s’affirmer et exister au travers des pratiques sexuelles.
Une prise en charge efficace passe par un suivi psychothérapeutique, conjointement à un accompagnement avec un addictologue.
Les thérapies cognitives et comportementales
Les thérapies cognitives et comportementales (TCC) s’avèrent efficaces dans le traitement des troubles de l’addiction sexuelle. Leur approche est basée sur la relation de dépendance entre les processus cognitifs, comportementaux et émotionnels.
Le comportement problématique de la personne, en lien avec l’addiction sexuelle, a été retenu selon différents apprentissages et le schéma de l’addiction qui en découle est nourri par un renforcement individuel, mais également environnemental. Il s’agit par exemple des distorsions cognitives comme les pensées automatiques qui peuvent intervenir avant, pendant ou après l’acte sexuel.
Les TCC vont aider à reconsidérer les cycles de pensées dysfonctionnels et réduire, voire arrêter, la pratique addictive tout en diminuant les émotions négatives associées comme la honte. À cet effet, plusieurs techniques sont employées.
Les entretiens motivationnels permettent d’identifier en quoi poursuivre la conduite addictive possède des bénéfices et des inconvénients. Ils questionnent aussi la place préoccupante que prend le trouble dans la vie. Petit à petit, le patient va fixer un objectif thérapeutique final atteignable, car lui seul possède la capacité de modifier ses comportements. Il redevient alors acteur de sa vie.
L’analyse fonctionnelle aide le patient à saisir les différentes dimensions du trouble sur les plans cognitif, comportemental et émotionnel. Il s’agit de mieux comprendre le cycle addictif et la boucle de répétition par ses facteurs (croyances permissives, troubles émotionnels…) ainsi que les éléments de l’environnement (affectifs et socioprofessionnels). La recherche des facteurs de vulnérabilité rentre aussi en ligne de compte. C’est une auto-observation du symptôme qui fait poser un regard sur soi.
Les stratégies comportementales apprennent le patient à modifier sa conduite en repérant les situations à risque qui sont le premier maillon de la chaîne, et apparaissent toujours dans un contexte précis, provoquant une envie impérieuse de passer à l’acte. En s’y exposant, l’objectif est d’instaurer de nouveaux comportements stratégiques d’évitement ou de limitation permettant de reprendre un début de maîtrise sur soi et sur ses actes. Les dommages causés commencent donc à diminuer, la personne s’en protège et renforce son pouvoir de changer.
La restructuration cognitive aide à envisager des alternatives au cycle addictif, notamment en identifiant les pensées automatiques problématiques. Alors que la personne addicte s’imaginait « hors de contrôle » et sans autre possibilité d’agir, un nouveau choix s’offre maintenant à elle.
La psychoéducation sexuelle apporte aux patients une meilleure connaissance de leur trouble, mais les accompagne aussi à déconstruire des croyances, parfois fausses, sur la sexualité et la relation à l’autre.
La prévention de la rechute est une étape nécessaire, car celle-ci est souvent mal vécue, pourtant elle fait partie intégrante du parcours de soins. Il est indispensable de prendre le temps d’identifier ce qui l’a provoquée pour réorienter et instaurer d’autres processus pour l’anticiper.
Les TCC ont aussi pour objectif d’aider la personne à développer de nouvelles activités, gratifiantes, qui lui procurent plaisir et satisfaction. Il s’agit finalement d’apporter une autonomie complète au patient afin qu’il ait la capacité de faire face, seul, en cas de situation à risque.
Les thérapies en groupe et en couple
Les thérapies de groupe sont intéressantes, car elles offrent le soutien des pairs et redynamisent la relation dans la thérapie. Aussi, elles accélèrent le processus de changement grâce au partage des expériences qui permettent d’aller chercher dans le vécu de l’autre des solutions possibles.
Le groupe participe à ôter l’étiquette « monstrueuse », à diminuer la honte ressentie grâce à l’appui des pairs mais aussi à sortir de l’isolement. Les jeux de rôles utilisés dans le groupe contribuent à rentrer dans des situations problématiques : le patient devient acteur et trouve en lui des ressources auxquelles il ne pensait pas.
Les groupes d’entraide ou de paroles jouent un rôle complémentaire aux thérapies. Le modèle en douze étapes des Alcooliques Anonymes a par exemple été adapté aux addictions sexuelles.
Un trouble relationnel dans le couple peut s’incarner de façon symptomatologique par l’addiction sexuelle et impacter la relation, que ce soit dans l’entente affective, mais aussi sexuelle. Le partenaire éprouve alors de la honte, la trahison, une mauvaise image de soi et une méfiance très forte.
L’objectif de la thérapie de couple est tout d’abord d’apaiser la relation, notamment les conflits vécus. Il s’agit ensuite de restaurer la communication, de travailler sur le rétablissement du lien de confiance, d’encourager le rapprochement affectif et la complicité souvent perdue. En quelque sorte, la volonté est de refonder un nouveau couple solide et stable.
Il n’existe pas de traitement médicamenteux pour soigner l’addiction sexuelle, cependant certains antidépresseurs issus de la famille des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) ont montré un effet sur la libido, la fréquence de masturbation, le désir sexuel et l’usage de la pornographie et parfois une réduction de la pratique addictive sexuelle.
Le sexe en lui-même n’est pas une drogue, c’est l’utilisation problématique du comportement qui l’est : il est employé pour d’autres raisons comme combler un vide ou apaiser un mal-être. Identifier les facteurs de risque dans la prise en charge est essentiel, en vue d’orienter la thérapie sur la reprise du contrôle, l’arrêt de la pratique et la diminution des répercussions négatives. Un travail sur les émotions, en séances individuelles ainsi qu’en groupe, s’avère salvateur afin de réussir à remplacer le comportement inadapté.
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