Les mesures barrières anti- COVID-19 plus strictes, plus larges et intermittentes sont confirmées comme associées à des effets très négatifs sur la santé mentale ainsi qu’à une opinion publique moins favorable aux autorités sanitaires qui les imposent, confirment, sans surprise 2 grandes études publiées dans le Lancet Public Health. Des données également présentées lors du Congrès européen de microbiologie clinique et des maladies infectieuses (ECCMID 2022) qui appellent à trouver, avec ces retours d’expérience, de meilleurs compromis entre prévention de la propagation de l’infection et préservation de la santé mentale en population générale. Avec une conclusion, les mesures ciblées telles que le traçage visant à éliminer le virus, valent mieux que les mesures globales, telles que le confinement, qui ne font que le retarder.
En synthèse, les études confirment que la santé mentale des populations de pays ayant tenté de contrôler la transmission du virus SARS-CoV-2 est plus dégradée que celle de populations vivant dans des pays qui ont essayé de supprimer « carrément » la transmission. Ainsi, les restrictions de distanciation physique (distance, masque) impactent plus fortement la santé mentale que les fermetures d'écoles, de lieux de travail, de transports publics, les annulations d'événements publics et les restrictions sur les voyages intérieurs. Durant les périodes de confinements, les femmes et en particulier les femmes vivant dans des familles avec des enfants ont connu une dégradation plus importante de leur santé mentale par rapport aux hommes de tous âges.
Le juste équilibre entre la nécessité de sauver des vies et de préserver la santé mentale
Première étude : éliminer plutôt qu’atténuer
La première étude est une analyse longitudinale qui a combiné des données quotidiennes de rigueur des politiques publiques et des scores de détresse psychologique à des points réguliers, bimensuels, sur la période de suivi d’avril 2020 à juin 2021 et pour des échantillons de personnes vivant dans 15 pays. Au total, 432.642 questionnaires de santé mentale ont été analysés, soit en moyenne, 14.918 toutes les 2 semaines.
Eliminateur ou atténuateur ? au niveau national, les pays qualifiés « d’éliminateurs » qui ont cherché à éliminer la transmission communautaire du COVID-19 à l'intérieur de leurs frontières ont connu moins de décès et de meilleures tendances de santé mentale pendant la pandémie que les pays « atténuateurs » qui ont tenté contrôler plutôt qu’éliminer la transmission du virus. En clair, l’étude conclut que les pays ayant adopté des stratégies d'élimination ambitieuses avec des objectifs de transmission communautaire « zéro » avec notamment une mise en œuvre réelle du traçage des contacts, ont fait mieux, en santé mentale, que les pays qui ont opté pour des interventions moins extrêmes et choisi de ralentir la transmission par une combinaison de fermetures intermittentes, de fermetures de lieux de travail, d'entreprises et d'écoles, de distanciation sociale, de port de masques faciaux et d'annulation de rassemblements publics et de transports publics.
- Qui sont les pays éliminateurs ? Les pays éliminateurs comme la Corée du Sud et le Japon ont mis en œuvre des actions précoces et ciblées telles que les restrictions de voyage internationales, les tests et la recherche des contacts, ce qui a entraîné une baisse des niveaux d'infections au COVID-19 et leur a permis d'opter pour des stratégies de confinement nationales plus indulgentes.
- Qui sont les pays atténuateurs ? Les pays atténuateurs comme la France et le Royaume-Uni ont opté pour des restrictions de voyage internationales moins rigoureuses et ont cherché à contrôler plutôt qu'à éliminer le virus par des mesures souvent durables et intermittentes, dont de distanciation physique et de confinement à domicile.
Ainsi, si à première vue, il peut sembler que les pays « éliminateurs » ont mis en œuvre des stratégies trop sévères, en réalité, leurs populations ont joui de plus de liberté et subi moins de mesures de confinement restrictives, résume l’un des auteurs principaux de la première étude, le Dr Lara Aknin, de l'Université Simon Fraser (Canada).
La deuxième étude pondère les résultats de la première, en suggérant que l’impact des différents types de mesures est différent selon les communautés et les groupes de populations. Basée sur l’analyse de données australiennes représentatives au niveau national, l’étude menée auprès d’un total de 20.000 participants, souligne la spécificité des effets selon les différents groupes démographiques. Cette analyse révèle -donc pour l’Australie- :
- un effet négatif significatif, mais relativement faible, sur la santé mentale du confinement ;
- un effet plus marqué chez les femmes : si l'expérience du confinement a légèrement abaissé les scores de santé mentale en population générale, en revanche, les femmes s’avèrent susceptibles de souffrir de troubles associés, de la santé mentale que les hommes, en particulier les femmes jeunes, (20 – 29 ans) ;
- curieusement, le confinement ne semble avoir entraîné aucun effet négatif significatif en santé mentale, chez les adolescents des deux sexes et chez les jeunes (20 – 29 ans) ;
- autre résultat surprenant, les confinements ont été plutôt bénéfiques aux hommes plus âgés (55 ans et plus) qui ont vu leur santé mentale s'améliorer ;
- des effets néfastes sont constatés pour les femmes ayant des enfants à charge. C’est le groupe qui accuse le plus fortement cet impact négatif en santé mentale, et bien plus fortement que les femmes célibataires et sans enfants. L'auteur principal, le Dr Mark Wooden de l'Université de Melbourne explique que « cet effet sexospécifique peut être dû à la charge de travail supplémentaire associée au travail à domicile ».
Dans l’analyse de ces différentes données, il est nécessaire de tenir compte du fait que l'approche stricte du confinement et la nature spécifique de la réponse de chaque pays à la pandémie, mais aussi à la crise économique, de l'emploi et de la protection sociale. Cependant, pris ensemble, ces résultats renforcent l'idée que des mesures politiques plus strictes, durables, changeantes, peuvent entraîner des résultats plus néfastes pour la santé mentale et que les politiques centrées sur le traçage et l’élimination du virus. Par ailleurs, les chercheurs soulignent que ce type de mesures d’atténuation induit une perte de confiance des populations en leurs gouvernements.
Même si, au fil du temps, une diminution de cette association négative entre la rigueur et la santé mentale future a fini par s’installer, en partie en raison de la réduction des décès, notamment avec l’émergence des derniers variants.
Les chercheurs concluent cependant que l'effet de politiques strictes aura été plus largement bénéfique à la réduction des décès qu’au soutien de la santé mentale. Alors que le type de réponse à une telle pandémie fait une grande différence pour la santé mentale des gens, les auteurs, sans remettre en cause la priorité de sauver des vies, appellent à mieux prendre en compte, en cas de nouvelle épidémie ces aspects de détresse psychologique et de maintien nécessaire d’une certaine qualité de vie.
« La rigueur ciblée peut permettre de réduire les décès tout en protégeant la santé mentale des populations. Apporter des informations claires et cohérentes aux populations contribue à maintenir la confiance dans la gestion de la pandémie par le gouvernement ».
Sources:
The Lancet Public Health 21 April, 2022 DOI: 10.1016/S2468-2667(22)00060-3 Policy stringency and mental health during the COVID-19 pandemic: a longitudinal analysis of data from 15 countries
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