Décoder le langage intérieur pour pouvoir traiter les troubles de la parole, c’est le défi que s’est fixé cette équipe de neuroscientifiques de l’Université de Genève (UNIGE) et des HUG. Ses travaux, publiés dans la revue Nature Communications marquent une première étape vers l’identification de certains signaux neuronaux associés au langage interne. Être capable de décoder ces signaux permettrait de « reconstruire la parole à partir de l’activité neuronale ».
De nombreuses maladies peuvent obérer la capacité de s’exprimer par la parole, dont la sclérose latérale amyotrophique (ou maladie de Charcot) ou l’AVC. Ces maladies peuvent paralyser complètement les muscles qui servent à parler ou détruire les zones cérébrales impliquées. Dans de nombreux cas cependant, relèvent les chercheurs, les patients conservent la capacité de penser et donc d’imaginer des phrases sans pouvoir les exprimer. Parvenir à décoder notre parole interne présente donc un grand intérêt pour ces patients bien sûr et un défi pour les neuroscientifiques. C’est ici l’une des premières tentatives de décodage de la parole imaginée, une parole caractérisée par des signaux neuronaux plus faibles et variables par rapport à la parole explicite, précise l’auteur principal, Timothée Proix, chercheur au Département des neurosciences fondamentales de l’UNIGE.
De la parole imaginée à la parole explicite
- lorsqu’une personne s’exprime à haute voix, elle produit des sons qui sont émis à certains instants précis. Il devient donc possible d’associer ces sons et ces séquences à des modèles d’activation des régions cérébrales sollicitées ;
- dans le cas de la parole imaginée, les scientifiques ne disposent d’aucune information manifeste sur le séquençage et le tempo des mots ou des phrases formulés « en interne ». Quant aux zones alors recrutées dans le cerveau, elles sont également moins nombreuses et moins actives.
L'étude est menée auprès de 13 patients hospitalisés épileptiques, disposant d’implants cérébraux pour contrôler leur épilepsie, et donc pouvant transmettre des données, invités à prononcer des mots puis à les imaginer. Les chercheurs ont donc pu analyser l’activité cérébrale dans les 2 situations. Ils observent notamment différents types de fréquences produites par différentes zones cérébrales lorsque ces patients s’expriment, à l’oral ou en imagination. Ces observations montrent que :
- les fréquences basses et le couplage entre certaines fréquences (bêta et gamma notamment) contiennent des données clés pour le décodage de la parole imaginée ;
- le cortex temporal est également une zone clé pour décrypter la parole imaginée ; car il comprend une partie de l’aire de Wernicke, responsable de la perception des mots et des symboles du langage.
Si les scientifiques restent « encore très loin d’être en mesure de décoder le langage imaginé », ces travaux marquent une avancée majeure dans le décryptage de la parole à partir de l’activité neuronale.
Source: Nature Communications 10 Jan, 2022 DOI: 10.1038/s41467-021-27725-3 Imagined speech can be decoded from low- and cross-frequency intracranial EEG features
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