Un petit groupe de variantes génétiques structurelles vient d’être identifié par une équipe de généticiens de l'Université d'Augusta (Géorgie) chez des patients atteints de COVID et extrêmement malades. Ces travaux, publiés dans la revue iScience peuvent non seulement contribuer à expliquer la grande variation de sévérité de la maladie mais peut-être aussi fournir une signature, prédictive du risque.
L’équipe Georgia Esoteric and Molecular Laboratory au Medical College of Georgia cherche à mieux comprendre le large spectre des réponses à l'infection par le virus SARS-CoV-2, de l'absence de symptômes à l'état critique. Cette poignée de variants génétiques rares impliqués dans certains processus -comme l’inflammation- dont le virus a besoin pour prospérer, pourrait contribuer à expliquer les cas les plus critiques.
L’auteur principal, le Dr Dr Ravindra Kolhe, de l'Université Augusta rappelle que pour réussir son infection, le virus doit s'attacher aux cellules hôtes, pénétrer à l'intérieur des cellules puis s’y multiplier. Il doit également favoriser l'inflammation.
Des changements génétiques structurels spécifiques aux patients les plus malades
C’est la découverte de cette étude, ce groupe de gènes qui semblent spécifiques aux formes très graves et qui justement sont impliqués dans les 4 processus essentiels du développement de l’infection, la liaison, l’invasion, la multiplication et l’inflammation.
Ici, les scientifiques utilisent la cartographie optique du génome pour obtenir une évaluation tridimensionnelle approfondie du génome de 52 patients ayant développé un COVID-19 très sévère. La cartographie optique du génome est une technologie émergente qui peut détecter ces variantes plus grandes avec de multiples changements, comme la suppression ou l'insertion de matériel génétique et/ou l’inversion d’une section de chromosome. Ces grandes variantes structurelles représentent une grande partie de la diversité génétique chez les humains, et comprennent les changements qui peuvent augmenter le risque de certaines maladies, comme le cancer. Ici, la recherche révèle :
- 32 des 52 participants ont eu besoin d'une ventilation mécanique et 13 sont décédés en soins intensifs ;
- chez 9 des patients les plus malades, 7 variantes structurelles rares affectant un total de 31 gènes impliqués dans des voies clés médiant la réponse entre l’hôte et un virus. Ces voies comprennent l'immunité innée, la défense immunitaire de première ligne, la réponse inflammatoire et la capacité d'un virus à se répliquer et à se propager ;
- ces 9 patients les plus malades partageaient également des comorbidités communes ;
- une des variantes identifiées peut entraîner une surexpression des gènes de la kératine. Or les kératines sont des protéines qui non seulement constituent des composants structurels de nos cheveux et de nos ongles, mais sont également essentielles à la transmission des virus de la grippe et du virus COVID-19 entre les cellules. Les kératines sont déjà connues pour être régulées à la hausse dans les voies respiratoires pendant une infection ;
- ces variantes trouvées chez les patients les plus malades ne semblent pas causées par le virus mais plutôt exploitées par le virus. Elles n’augmentent pas obligatoirement la sensibilité à d'autres types d’infections ;
- environ 40 variantes structurelles rares ont été identifiées ;
Sur l'implication du génome :
- chez certains témoins négatifs pour le virus COVID-19 et chez des participants positifs mais asymptomatiques, les scientifiques constatent des « cas aberrants » comme des patients avec graves comorbidités qui restent asymptomatiques après infection par le SRAS-CoV-2 et des patients en parfaite santé qui développent une forme très sévère lorsqu'ils sont infectés. Cela suggère à nouveau le rôle majeur de la génétique dans la détermination du degré de réponse au virus ;
- enfin, la charge virale n’apparaît pas directement corrélée à la façon dont le patient tombe malade : « Nous avions des participants charges virales très élevées qui ne savaient même pas qu'ils étaient positifs. C'est bien « quelque chose » dans le génome de l'hôte qui est différent ».
En résumé, ces variantes structurelles (ou grandes mutations) induisent une hyperactivation des systèmes normaux impliqués dans l’infection, expliquent les chercheurs. Selon leurs travaux cela pourrait expliquer qu’alors que des millions de personnes sont infectées, seul un très petit pourcentage devient symptomatique, et un très petit pourcentage de ces patients symptomatiques développent des formes sévères au point d’avoir besoin d’une oxygénothérapie ou d’une prise en charge en soins intensifs. « Ces grandes variantes structurelles identifiées à l'aide de la cartographie optique du génome pourraient ainsi expliquer la variabilité clinique interindividuelle en réponse au COVID-19 ».
Une signature, un test ? Ce rôle possible de ce groupe de variantes structurelles impliqué dans l'interaction hôte-virus suggère le développement d’un test sanguin simple à utiliser. Une fois identifiés, ces patients à risque élevé pourraient bénéficier de mesures proactives dont un traitement plus agressif dès le début de la maladie, par anticorps monoclonaux par exemple.
Alors que de précédentes études cliniques ont identifié des facteurs tels que l'âge avancé, le fait d'être un homme, l'hypertension, le diabète et d'autres maladies chroniques comme facteurs de risque associés à la sévérité de la maladie COVID-19, ces grandes variantes structurelles doivent être également prises en compte dans la prédiction du risque.
Source: iScience 19 Jan, 2022 DOI : g/10.1016/j.isci.2022.10376 Optical genome mapping identifies rare structural variations as predisposition factors associated with severe COVID-19
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