Ces scientifiques du Technion-Israel Institute documentent un mécanisme physiologique pouvant expliquer le développement des maladies psychosomatiques: l'étude suggère, précisément, qu’il existe, dans le cerveau, un petit groupe de neurones capables d’induire la sensation de maladie, voire une maladie réelle (?). Cette expérience sur la souris, documentée dans la revue Cell, démontre également que réactiver des neurones spécifiques, activés au départ par une maladie spécifique -ici par une inflammation du côlon-, redéclenche à nouveau la même affection au même site. Au-delà d’illustrer à nouveau l’axe intestin-cerveau, ces travaux remettent en question la théorie qui voudrait que les troubles psychosomatiques soient des maladies sans véritable cause biologique. La recherche ouvre même la possibilité de pouvoir traiter certaines maladies, dont les maladies psychosomatiques- en effaçant leur trace mnésique dans le cerveau !
En résumé, cette recherche explore la capacité du cerveau à provoquer lui-même et « tout seul » des maladies, et à pouvoir ensuite les éradiquer.
L'étude en quelques étapes :
- les scientifiques induisent une inflammation du côlon chez la souris;
- pendant l'inflammation du côlon, plusieurs régions du cerveau présentent une activité neuronale accrue, dont l’insula, une toute petite zone du cerveau responsable de l'interoception, c'est-à-dire la capacité du corps à apprécier son propre état physiologique à travers différentes métriques comprenant la faim, la soif, la douleur et la fréquence cardiaque, notamment ;
- les scientifiques font alors l’hypothèse que si un signalement d'inflammation dans une zone du corps peut être « stocké » quelque part dans le cerveau, notamment l’insula, cette zone responsable de l'interoception pourrait alors être impliquée dans la maladie ;
- des techniques de manipulation génétique permettent aux scientifiques de « capturer » (ou cibler) les groupes de neurones dans le cortex insulaire qui présentent cette activité accrue au cours de l'inflammation ;
- une fois les souris en bonne santé, les chercheurs redéclenchent artificiellement ces neurones et sans qu’aucun autre stimulus soit appliqué, ils constatent que l'inflammation a réapparu, exactement dans la même zone où elle se trouvait auparavant.
Que le cerveau « se souvienne » de l'inflammation suffit à la réactiver.
Si le cerveau peut générer la maladie, est-il possible qu'il puisse aussi l'éteindre ?
L'effet inverse est démontré toujours chez la souris : chez les souris présentant une inflammation active, la suppression des neurones qui s'en « souviennent » permet une réduction immédiate de l'inflammation.
Il reste à surmonter de multiples défis pour valider ce concept chez l'Homme, mais il semblerait qu’atténuer la trace mnésique (dans le cerveau) de certaines affections inflammatoires chroniques comme la maladie de Crohn, le psoriasis et d'autres affections auto-immunes, pourrait constituer une toute nouvelle voie thérapeutique.
La connexion insula- interoception-maladie est très probablement évolutive et constitue un avantage de survie par lequel le système immunitaire peut être activé par la seule mémoire, sans besoin d’autre déclencheur extérieur. « Le corps doit réagir le plus rapidement possible à l'infection avant que les bactéries ou virus attaquants puissent se multiplier. Si une activité, par exemple la consommation d'aliments toxiques, a déjà exposé le corps à une infection et à une inflammation, il y a un avantage à conserver la mémoire de cette affection pour être mieux préparé à faire face au danger lorsqu’on s’engage dans la même activité. Un temps de réponse plus court permet au corps de vaincre l'infection plus rapidement et avec moins d'effort. Le problème, bien sûr, survient quand ce mécanisme devient incontrôlable et peut à lui seul générer la maladie ».
C’est une grande avancée dans la compréhension de la façon dont l'esprit et le corps humains s'influencent mutuellement, et plus précisément une meilleure compréhension des maladies dites psychosomatiques, comme le syndrome du côlon irritable, et autres maladies auto-immunes ou allergies.
Source: Cell 8-Nov-2021 DOI : 10.1016/j.cell.2021.10.013 Insular cortex neurons encode and retrieve specific immune responses
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