Le choléra tue encore plus de 140.000 personnes chaque année dans le monde et infecte jusqu’à 4 millions d’autres, principalement dans les pays pauvres. Ces chercheurs de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) ont regardé comment la bactérie Vibrio cholerae interagit avec les bactéries du microbiote humain. Ils constatent que si la plupart des bactéries intestinales sont épuisées à la suite des « attaques » de V. cholerae, un sous-ensemble de bactéries fait de la résistance. Ces bactéries mieux armées ouvrent, dans la revue nature Communications, de nouvelles voies pour de futurs traitements.
Le choléra est causé par la bactérie Vibrio cholerae, un agent pathogène d’origine hydrique qui infecte l’intestin des humains lorsqu’ils boivent de l’eau contaminée. Lors de l’ingestion, Vibrio cholerae colonise la surface interne de l’intestin et libère une toxine sur les cellules épithéliales. La toxine perturbe l’équilibre ionique à travers les parois de l’intestin, provoquant l’excrétion de diarrhée aqueuse. Un choléra sévère peut entraîner la mort en raison d’une déshydratation sévère.
Des probiotiques « blindés » contre les lances T6SS
En 2015, l’équipe de l’EPFL, dirigée par le professeur Melanie Blokesch avait déjà montré que la bactérie utilise une sorte de « lance » pour attaquer les bactéries voisines et leur voler leur ADN. Cette arme moléculaire connue sous le nom de « système de sécrétion de type VI » ou T6SS. Par ailleurs, de précédentes études ont montré que les agents pathogènes intestinaux doivent interagir avec les bactéries du microbiome intestinal pour s’établir dans cet environnement. Ils le font en utilisant une variété de tactiques, allant de la compétition pour les nutriments à la guerre interbactérienne « totale ». Plusieurs études ont enfin établi que les agents pathogènes intestinaux utilisent leur lance T6SS pour s’implanter dans le microbiome.
Comment V. cholerae interagit avec le microbiome intestinal
Comprendre ce mécanisme est complexe car V. cholerae colonise relativement mal les animaux vs les humains. Cela exclut dans une certaine mesure les études chez l’animal. Ensuite, les effets de la bactérie ou au contraire la résistance à la colonisation par V. cholerae -ou d’autres bactéries infectieuses- dépend des microbes dits « commensaux » dans l’intestin. Ici, l’équipe examine comment V. cholerae interagit avec les bactéries du microbiote humain, à travers une petite collection de commensaux de volontaires humains, qui comprenait plusieurs espèces bactériennes telles que Escherichia coli, Enterobacter cloacae et différents isolats de Klebsiella.
L’analyse montre que si plusieurs espèces de bactéries intestinales ne tiennent pas le choc face aux attaques de V. cholerae médiées par T6SS, certaines se montrent tout à fait capables de résister :
- c’est le cas en particulier de certaines espèces de Klebsiella qui se protègent grâce à une capsule polysaccharidique caractéristique des bactéries dites « encapsulées » ;
- d’autres espèces, dont Enterobacter cloacae, ripostent en tuant d’abord V. cholerae avec leur propre armes T6SS.
Ces travaux apportent ainsi une toute nouvelle compréhension du comportement des communautés bactériennes au sein du microbiote intestinal et de la manière dont la défense peut s’organiser contre l’intoxication et l’infection par des agents pathogènes envahissants, explique l’auteur principal, Melanie Blokesch.
Si ces travaux ont été menés in vitro ils ouvrent néanmoins la voie à la conception de souches probiotiques « blindées » contre le T6SS et contre les infections mortelles comme le choléra.
Source: Nature Communications (In Press) 1-Oct-2021 DOI: 10.1038/s41467-021-26041-0 Human commensal gut Proteobacteria withstand type VI secretion attacks through immunity protein-independent mechanisms via EPFL 1-Oct-2021 War in the gut: How human microbiota resist the cholera bacterium
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