Ces nouvelles données expérimentales livrées par une équipe de biologistes de l’Instituto Gulbenkian de Ciencia (IGC, Portugal) mettent en évidence un composant moléculaire impliqué dans les dommages que la grippe ou la maladie COVID peut causer aux poumons. Cette découverte, documentée dans la revue PLoS Pathogens, désigne une nouvelle cible prometteuse et ouvre l’espoir de réduire considérablement voire de prévenir les lésions pulmonaires associées aux formes sévères de grippe, de COVID ou autres infections virales.
Si la pandémie de COVID-19 à ce jour a entraîné près de 4 millions de décès dans le monde, la grippe saisonnière tue jusqu'à 600.000 personnes chaque année et entraîne aussi ses pandémies (grippe espagnole- fin des années 1910, H1N1 en 2009). « La pandémie de COVID montre toute l’importance d’une recherche fondamentale intensive sur ces différents virus », souligne l’auteur principal, Maria João Amorim, chercheur à l'IGC.
Mieux comprendre les processus qui mènent aux dommages aux poumons
L’objectif de l’équipe est ici de mieux comprendre les processus qui mènent aux effets pulmonaires de ces virus. Lorsqu'un virus de la grippe pénètre dans nos poumons, il est rapidement confronté à des cocktails de molécules qui le reconnaissent et alertent l'hôte de sa présence. Ces signaux activent la réponse immunitaire, qui mobilise une armée de cellules et d’agents inflammatoires. Toute réponse inflammatoire excessive -comme la tempête de cytokines dans la maladie COVID-19-peut déstabiliser l'équilibre nécessaire à l’élimination du virus et à la prévention de dommages sévères aux tissus. Si pour la plupart des personnes atteintes, la clairance virale intervient quelques jours après l'infection et laisse très peu de traces, pour d’autres une simple grippe -ou la maladie COVID-19- vont entraîner de graves complications, qui résultent d'une réponse exacerbée qui endommage les poumons.
Le rôle clé du facteur DAF (decay accelerating factor) est déjà connu, cependant les chercheurs montrent, ici chez la souris, que cette protéine, à la mission normalement régulatrice et bénéfique, peut être détournée par le virus de son rôle initial de régulation du système du complément, et peut alors contribuer à augmenter son activation excessive, à exacerber l'infection et l'inflammation, et augmenter ainsi les dommages aux poumons.
C’est la découverte d’un mécanisme de virulence de la grippe,
explique l’auteur :
- le DAF est un récepteur présent à la surface de la plupart des cellules, et dont l’action principale consiste bien à les protéger des attaques de l'un de nos propres systèmes de surveillance immunitaire, le système du complément.
- Le système du complément lui-même est censé nous protèger contre les pathogènes envahissants une fois qu'il les détecte dans la circulation, en inactivant le pathogène lui-même, ou à l'intérieur des cellules infectées, en mettant en place une stratégie pour les éliminer.
- mais DAF n'est pas toujours régulateur, parfois excitateur : lorsque le système du complément se met à détruire les cellules de l'hôte, il y a parfois « automutilation excessive » avec l’élimination d’un trop grand nombre de cellules saines et une inflammation excessive. C’est bien l’excès d'activation du système du complément qui induit les effets sévères en termes de morbidité et la mortalité. Et DAF devrait contribuer à réguler le système du complément. Mais le virus de la grippe A -et le coronavirus- suggèrent les chercheurs, exploitent le DAF pour optimiser l'activation du système du complément, mais en tant que mécanisme d'évasion immunitaire, en augmentant encore le recrutement des cellules immunitaires, ce qui exacerbe la réponse immunitaire et endommage les poumons.
- Un mécanisme qui se déclenche d'une manière indépendante de la charge virale, ce qui affecte directement la résilience à l'infection.
- Et le rôle du DAF dans l'infection grippale dépend également de son interaction avec certaines parties du virus, ce qui peut expliquer des réponses plus ou moins sévères, selon les souches virales.
Ainsi, le système du complément est important, mais ce n'est pas le seul composant qui détermine l'issue de l'infection. Il est crucial d'étudier DAF aussi, car la protéine apparaît ici comme une cible prometteuse pour éviter la réponse immunitaire et inflammatoire excessive et les dommages aux poumons.
Source: PLoS Pathogens July 1, 2021 DOI : 10.1371/journal.ppat.1009381 Complement Decay-Accelerating Factor is a modulator of influenza A virus lung immunopathology
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