Quelques études, mais peu encore, ont alerté sur la détresse émotionnelle qui touche les soignants en ce pic de la pandémie. Cette étude de chercheurs de l’Université de l’Utah voit déjà plus loin : au-delà de soutenir aussi la santé mentale des personnels de Santé, l’hôpital parviendra-t-il à garder ses ressources en soignants, une fois la crise passée. L’étude, publiée dans le JAMA Network Open révèle en effet -ici aux Etats-Unis- que les personnels de santé, en particulier ceux qui sont chargés de famille, souhaiteraient réduire leurs heures de travail voire quitter le système de santé à l’issue de l’épidémie de COVID.
Ce que les chercheurs appellent la « rétention des médecins, des infirmières et autres personnels de santé qualifiés » pourrait ainsi être le prochain grand défi de nos systèmes de santé. « Nous réalisons avec peine que pendant cette période de crise et de récession économique, au moins 20% de nos effectifs envisagent de quitter leur emploi en raison d’un niveau de stress trop élevé », résume l’auteur principal, Angela Fagerlin, professeur et directeur du département des sciences de la santé à l'Université de l'Utah. « Une grande majorité de ces professionnels de santé ont passé 5 à 10 ans à se former à leur exercice, pourtant ils songent aujourd’hui à tout abandonner ».
Un personnel de santé sur 5 envisage de quitter l'hôpital
L’équipe a mené son enquête en ligne, en août 2020, auprès des 27.700 personnels cliniques et non cliniques dépendant de l’Université de l’Utah. L’enquête portait sur de multiples données de mode de vie au quotidien, dont l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, les besoins de garde d'enfants, la carrière professionnelle, le stress dans l’exercice professionnel…5.030 participants ont répondu à l'ensemble des questions. L’analyse montre que :
- 48% des participants avaient au moins un enfant de 18 ans ou moins ;
- 49% de ces participants ayant des enfants rencontraient un stress face à l’accomplissement de leur rôle parental et la gestion de l’enseignement à distance de leurs enfants ;
- 55% à 60% des répondants ont fait part d’une baisse de productivité ;
- 47% des participants se sont déclarés préoccupés par le fait que le COVID-19 affecte leur carrière ;
- 30% ont déclaré envisager de réduire leurs heures de travail ;
- 21% ont déclaré envisager de changer de profession.
Ces tendances valent très probablement dans d'autres systèmes de soins de santé et constituent un signal d'avertissement sur le moral et le bien-être des médecins et des infirmières, ainsi que des personnels hospitaliers non-cliniciens. Elles viennent confirmer les études dont la plupart menées avant la pandémie, qui dénonçaient déjà la prévalence élevée de l'épuisement professionnel, du stress, de la dépression et de l'anxiété au sein des personnels de santé, des symptômes qui se sont développés ou accentués chez les professionnels de première ligne durant la pandémie.
Un besoin de soutien pendant et après : bien que les chercheurs aient constaté chez ces personnels des niveaux très élevés d’épuisement professionnel, de dépression et d'anxiété, ils suggèrent qu'une plus grande importance accordée à l'équilibre travail-vie personnelle, à l'accessibilité à des modes de garde et au soutien psychologique pourrait tout de même empêcher des milliers de soignants à renoncer à leur exercice au sein du système de santé.
« Nos systèmes de santé doivent développer des moyens efficaces pour s'assurer que les cliniciens bien formés, le personnel soignant mais aussi les équipes de recherche et les personnels non médicaux soient soutenus pendant cette période sans précédent, mais aussi par la suite et sur la durée ».
Source: JAMA Network Open April 2, 2021 DOI : 10.1001/jamanetworkopen.2021.3997 Experiences of a Health System’s Faculty, Staff, and Trainees’ Career Development, Work Culture, and Childcare Needs During the COVID-19 Pandemic
Lire aussi : COVID-19 : Les infirmières, plus à risque de détresse émotionnelle
Laisser un commentaire