Une étude de la Cornell University (New York) décrypte le rôle clé d’un composant lipidique encore peu documenté du lait maternel, montre comment ces sphingolipides contribuent à façonner le microbiome des nourrissons et propose une nouvelle technique pour suivre les nutriments, leurs métabolites et leurs interactions avec le microbiote. Ces travaux, menés chez la souris et présentés dans le Journal of Lipid Research contribuent aussi à expliquer pourquoi les microbiomes intestinaux des nourrissons allaités diffèrent considérablement de ceux des nourrissons nourris au lait maternisé.
Les chercheurs développent et présentent une nouvelle technique qui permet de suivre des nutriments spécifiques et leurs métabolites, lorsqu'ils sont absorbés par les microbes intestinaux dans le tube digestif d'une souris. Ils montrent en particulier que certaines bactéries, mais pas toutes, sont friandes de ce nutriment commun et bénéfique, présent en forte concentration dans le lait maternel.
La méthode pourrait être adaptée au microbiome humain
C’est ce que suggère l'auteur principal Elizabeth Johnson, professeur de sciences de la nutrition. Elle permet d’étudier ici les effets et de suivre les métabolites d'un régime riche en graisses par rapport à un régime allégé en graisses ou à un régime céto. Il serait alors possible d’identifier comment des métabolites spécifiques favorisent des bactéries spécifiques et de permettre aux nutritionnistes d’orienter leurs patients vers les aliments contenant les métabolites spécifiques dont ils ont besoin.
Le rôle bénéfique des sphingolipides : le lait maternel et de nombreux autres aliments contiennent une classe de métabolites lipidiques appelés sphingolipides. Des précédentes recherches ont montré que ces métabolites aident à façonner le microbiome d'un nourrisson, mais sans comprendre complètement leurs interactions avec le microbiome. Ici, l’équipe identifie 2 types de microbes intestinaux, Bacteroides et Bifidobacterium, qui utilisent des sphingolipides pour leur propre métabolisme.
- Les Bacteroides font partie des quelques espèces bactériennes à être documentées pour leurs effets, bénéfiques ou moins bénéfiques, selon le contexte. Les Bacteroides sont généralement associés à des microbiomes de nourrissons allaités en bonne santé.
- Bifidobacterium déjà documenté comme un type de bactéries bénéfiques par excellence « utilise » également les sphingolipides alimentaires. C'est aussi un probiotique en vente libre très populaire.
Une technique pour suivre spécifiquement les sphingolipides alimentaires lorsqu'ils traversaient l'intestin :
- les chercheurs ont synthétisé les sphingolipides et l’ont ajouté au régime alimentaire de la souris ;
- ils ont développé ainsi un sphingolipide presque identique à ceux dérivés du lait maternel mais avec une petite étiquette chimique en plus afin de pouvoir tracer son emplacement après ingestion ;
- un marqueur fluorescent qui se fixe aux cellules ou aux microbes qui absorbent le sphingolipide permet ensuite de suivre toutes les bactéries qui en ont absorbé : ces bactéries « s’allument » en rouge ;
- les microbes des microbiomes des souris sont ensuite isolés et analysés. ;
- les groupes de microbes rouges séparés des autres groupes, puis génétiquement séquencés pour identification des espèces de bactéries ;
- enfin, la méthode permet également d’identifier les métabolites que les Bacteroides et Bifidobacterium produisent lorsqu'elles sont exposées aux sphingolipides alimentaires.
Moduler le régime alimentaire pour optimiser ses effets bénéfiques pour la santé : l’étude ne révèle qu’un aspect, très spécifique, de la manière dont le régime alimentaire interagit avec le microbiome mais elle apporte la perspective de pouvoir mieux comprendre comment le moduler pour optimiser les effets positifs sur la santé. Dans ce cas, l’étude permet de confirmer que « oui, ces lipides alimentaires, les sphingolipides, qui constituent une grande partie de l'alimentation des nourrissons [allaités], interagissent assez fortement et de manière bénéfique avec le microbiome intestinal ».
Ces sphingolipides bénéfiques proviennent de 3 sources principales : l'alimentation-dont le lait maternel- les bactéries qui peuvent les produire et la plupart des tissus de l'hôte.
Source: Journal of Lipid Research July 9, 2020 DOI : 10.1194/jlr.RA120000950 Dietary sphinganine is selectively assimilated by members of the mammalian gut microbiome
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