Un défaut ou un dysfonctionnement spécifique, sous-jacent au développement conjoint de l'autisme et de la dyslipidémie, c’est l’objet de cette recherche originale menée à la Harvard Medical School, qui, révèle déjà, à ce stade, un nouveau type d'autisme associé à des anomalies lipidiques. Ces travaux, présentés dans la revue Nature Medicine, qui illustrent toute la largeur du spectre autistique, suggèrent une médecine de précision avec la conception de thérapies ciblées et de nouveaux efforts de dépistage pour chaque forme spécifique d'autisme.
Les chercheurs de Harvard, avec des collègues du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et de l'Université Northwestern (Chicago) viennent d'identifier un sous-type d'autisme, plutôt fréquent, résultant d'un groupe de gènes qui régulent le métabolisme du cholestérol et le développement du cerveau. Cette découverte démontre que l’autisme et le dysfonctionnement lipidique partagent certaines « sources moléculaires ».
Autisme et anomalies lipidiques, de mêmes voies moléculaires
Ces conclusions sont le fruit de l'analyse ADN d'échantillons de cerveau dont les résultats ont été ensuite confirmés par l’examen de dizaines de milliers de dossiers médicaux de personnes atteintes d'autisme. En effet, un taux élevé d'enfants autistes et de leurs parents présentaient aussi ces altérations lipidiques, selon l'analyse.
Complexité de l'autisme et médecine de précision : on sait que les troubles du spectre autistique (TSA) qui affectent environ un enfant sur 54 sont parmi les maladies héréditaires les plus complexes. Des milliers de variantes génétiques, à la fois rares et courantes, ont déjà été documentées comme impliquées dans l'autisme. Le trouble est donc probablement la conséquence d'une interaction complexe et mal comprise entre facteurs génétiques et environnementaux – à la fois avant et après la naissance.
« Cette recherche confirme que l'autisme englobe de nombreuses conditions différentes chacune issues de causes différentes – génétiques, environnementales ou d’une combinaison des deux » ajoute l’auteur principal, le Dr Isaac Kohane, directeur du département d'informatique biomédicale. à l'Institut Blavatnik de la Harvard Medical School. Il s’agira donc d’identifier les racines ou source moléculaire du dysfonctionnement dans chaque sous-type d’autisme pour concevoir à la fois des traitements et des outils de dépistage pour un diagnostic correct, rapide et précis.
Atteindre un niveau significatif de spécificité dans l'étude d'un trouble extrêmement complexe est le défi relevé par ces chercheurs, à l’aide d’une nouvelle approche basée sur l’analyse combinée de plusieurs couches de données, dont les données de séquençage complet de l'exome, les modèles d'expression des protéines, les dossiers médicaux et les demandes d’assurance maladie. Les chercheurs ont donc dû « superposer » ces multiples couches de données pour obtenir une vue complète des gènes impliqués dans l'autisme. Au bout de ce travail complexe, l’équipe identifie un groupe d'exons régulant à la fois le développement neurologique et le métabolisme des graisses.
Ce lien moléculaire entre l'autisme et le métabolisme des lipides est ensuite confirmé chez de « vrais » patients à travers 2 bases contenant
- l’une, plus de 2,7 millions de dossiers de patients dont plus de 25.000 enfants autistes : les chercheurs identifient des altérations lipidiques notables chez les enfants autistes, y compris des changements dans les niveaux de leur mauvais cholestérol (LDL), bon cholestérol (HDL) et triglycérides ;
- l'autre, plus de 34 millions de dossiers de patients dont 80.700 avec diagnostic d'autisme. Dans l'ensemble, 6,5% des patients diagnostiqués avec autisme présentent également des niveaux de lipides anormaux : ces personnes autistes sont 2 fois plus susceptibles d'avoir des résultats de tests lipidiques anormaux que les patients non autistes. Le lien familial au niveau des anomalies lipidiques s’avère également significatif. Enfin, le lien autisme-dyslipidémie persiste même lorsque les chercheurs prennent en compte l'influence possible des médicaments couramment utilisés chez les personnes atteintes d'autisme, dont certains sont connus pour affecter les taux de lipides.
Autisme, anomalies lipidiques et comorbidités : les personnes autistes qui ont des taux de lipides anormaux ont un risque accru de comorbidités dont l'épilepsie, les troubles du sommeil et le trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention (TDAH). Cette découverte suggère ainsi que,
la dyslipidémie peut altérer le développement neurologique en général.
Les personnes atteintes d'autisme et de dyslipidémie sont également plus susceptibles de présenter certaines maladies hormonales et métaboliques, notamment l'anémie, l'hypothyroïdie et une carence en vitamine D.
Cette découverte du lien autisme -dyslipidémie apporte une explication moléculaire à certaines observations bien établies :
- une mutation dans un gène impliqué dans le métabolisme du cholestérol est également retrouvée chez les patients atteints du syndrome de Rett, un trouble neurodéveloppemental étroitement lié à l'autisme ;
- entre 50 à 88% des enfants nés avec le syndrome de Smith Lemli Opitz, causé par un défaut de synthèse du cholestérol, sont également autistes.
Enfin, ces résultats soulèvent de nombreuses questions : comment les altérations lipidiques entraînent-elles un dysfonctionnement neurodéveloppemental et la normalisation du métabolisme lipidique pourrait-elle réduire les symptômes de TSA ?
Si de futures études devront répondre à ces questions, ces résultats rappellent toute l’importance de concevoir des traitements ciblés avec précision sur défaut spécifique sous-jacent au développement du type d’autisme – ici la dyslipidémie.
Source: Nature Medicine 10 August 2020 A multidimensional precision medicine approach identifies an autism subtype characterized by dyslipidemia
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