Cette étude d’une équipe du Collège de médecine Albert Einstein montre comment le stress psychologique chronique conduit à des épisodes douloureux d’occlusion des vaisseaux sanguins, l’une des complications les plus courantes de la drépanocytose. Ces travaux menés chez la souris et publiés dans la revue Immunity, révèlent également le rôle clé du microbiome intestinal dans le déclenchement de ces crises vaso-occlusives et suggèrent des moyens possibles de les prévenir. En identifiant le stress psychologique et le microbiote comme 2 agents majeurs de survenue des crises vaso-occlusives, l’étude met aussi en évidence l’importance des facteurs environnementaux dans la sévérité de la maladie.
L’incidence de la drépanocytose est d’environ 1 sur 365 naissances. Les personnes atteintes ont hérité d'une mutation génique qui conduit à une anomalie de l’hémoglobine, les globules rouges adoptant la forme d'une faucille et devenant plus rigides. Ces globules rouges falciformes ont tendance à obstruer les petits vaisseaux, ce qui empêche la circulation sanguine et empêche l'oxygène d'atteindre les tissus. S’en suivent des crises vaso-occlusives douloureuses qui peuvent durer des jours. Aucune thérapie ne peut inverser ces symptômes et, au fil du temps, la maladie entraîne des dommages importants aux organes internes. Ainsi, l’espérance de vie des personnes atteintes est réduite de 20 à 30 années.
« Il existe un immense besoin de nouveaux traitements de la drépanocytose »,
rappelle l’auteur principal de l'étude, le Dr Paul S. Frenette, professeur de médecine et de biologie cellulaire à l’Einstein. Son équipe vient de découvrir que le développement de ce syndrome vaso-occlusif commence dans le cerveau :
- le stress déclenche la sécrétion d'hormones glucocorticoïdes dans le cerveau,
- ces hormones se dirigent vers l'intestin et augmentent sa perméabilité ;
- cette plus grande perméabilité laisse un passage aux bactéries filamenteuses segmentées (SFB) – un type de bactéries intestinales bénéfiques qui interagissent alors avec les cellules immunitaires auxiliaires Th17 dans la muqueuse de l'intestin ;
- cette interaction augmente la production de molécules pro-inflammatoires, qui pénètrent dans la circulation et favorisent le vieillissement et l'accumulation de neutrophiles, un type de globule blanc ;
- ces neutrophiles âgés induisent le syndrome vaso-occlusif.
De nouvelles pistes thérapeutiques : cette cascade d'événements est ici observée à la fois chez la souris modèle de drépanocytose et chez des souris en bonne santé soumises à un stress psychologique. Les chercheurs constatent que la maladie vaso-occlusive n’est mortelle que chez les souris drépanocytaires. « Les souris en bonne santé n'ont pas de globules sanguins falciformes et ne souffrent donc pas des effets néfastes causés par l'accumulation de neutrophiles âgés ».
Avec ces nouvelles connaissances, il devient possible de réduire considérablement cette vaso-occlusion induite par le stress chez la souris, et cela grâce à plusieurs interventions différentes :
- inhiber la synthèse des glucocorticoïdes,
- épuiser les bactéries filamenteuses segmentées,
- ou bloquer les molécules inflammatoires induites par ces bactéries.
Chacune de ces mesures pourrait potentiellement limiter l'impact du stress chez les patients drépanocytaires.
Un équivalent humain des bactéries filamenteuses segmentées trouvées chez les rongeurs ? Les chercheurs suggèrent que des bactéries bénéfiques similaires dans l'intestin humain peuvent également inciter les cellules immunitaires Th17 à produire des molécules inflammatoires.
Prochaine étape donc, valider la corrélation entre l'abondance de ces bactéries chez les patients atteints de drépanocytose et la fréquence ou la sévérité de leurs crises vaso-occlusives.
Source: Immunity July 30, 2020 DOI : 10.1016/j.immuni.2020.06.025 The gut microbiome regulates psychological stress-induced inflammation (Visuel NYU Grossman School of Medicine)
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