Cette étude présentée au dernier Congrès virtuel de l’American Chemical Society vient confirmer les contre-indications à l’utilisation prolongée des opioïdes en révélant comment les patients qui prennent ces médicaments à long terme vont finir par produire des anticorps contreproductifs. L’équipe de Wisconsin-Madison explique comment ces anticorps à leur tour contribuent à certains des effets secondaires de la consommation à long terme d'opioïdes. Un décryptage utile de ce cercle vicieux qui sous-tend la fameuse crise des opioïdes.
Les anticorps existants peuvent également limiter le bénéfice qu'un patient pourrait tirer d'un vaccin anti-opioïde, dont la production est le but ultime de ces recherches. Un vaccin stimulant une réponse immunitaire contre les opioïdes pourrait réduire les méfaits de l'abus d'opioïdes, mais les chercheurs devraient encore identifier la population des patients pouvant répondre à ce traitement.
Une réponse par anticorps dose-dépendante de la dose d’opioïdes
L’auteur principal, Cody Wenthur, professeur à la UW-Madison School of Pharmacy avec des collègues du Scripps Research Institute (un Institut expert, notamment, en recherche de vaccins anti-substances) et son équipe identifient en effet des niveaux élevés d’anticorps contre les opioïdes chez 10 des 19 participants traités par opioïdes pour une lombalgie chronique. Ceux qui prenaient les doses les plus élevées d'opioïdes avaient une réponse par anticorps encore plus forte. 3 patients témoins ne prenant pas d’opioïdes pour leur lombalgie ne présentaient que de très faibles taux d'anticorps anti-opioïdes.
Pourquoi seulement 3 participants témoins ?
Parce que l’équipe de recherche a eu des difficultés à recruter des participants souffrant de lombalgie chronique et ne prenant pas d’opioïdes ! Cette difficulté même illustre bien -écrivent les chercheurs- l'omniprésence de ces médicaments, en dépit de leurs risques bien médiatisés aujourd’hui de développement de dépendance.
Les troubles liés à l'usage et aux overdoses d'opioïdes constituent un fardeau de santé publique : « Nous sommes plusieurs équipes à travailler sur une nouvelle approche thérapeutique en cours d’essais cliniques qui consiste en un « vaccin anti-opioïde », qui induit le système immunitaire à générer une réponse contre les médicaments. Mais pour que cette approche réussisse, nous devons identifier les personnes qui peuvent en bénéficier ». Depuis des décennies, les chercheurs ont compris que le système immunitaire pouvait produire des anticorps contre les médicaments psychoactifs dans les bonnes conditions. Bien que les molécules des substances elles-mêmes soient trop petites pour que le système immunitaire les reconnaisse, elles peuvent se lier de façon permanente à de grosses protéines dans le sang, ce qui peut alors déclencher une réponse immunitaire.
Un vaccin pour réduire les effets indésirables mais pas les effets thérapeutiques ? Si un vaccin pouvait induire des anticorps capables de neutraliser les médicaments, il pourrait aider les patients à combattre la dépendance en réduisant les sensations psychoactives que les médicaments produisent dans le cerveau. Cependant, de précédents de vaccins contre la nicotine ou la cocaïne ont eu un succès limité, en partie à cause des différences individuelles dans la façon dont le système immunitaire produit des anticorps. Ensuite, le défi est de cibler les effets psychoactifs sans réduire les effets thérapeutiques.
Améliorer le traitement des troubles liés à l'usage de substances opioïdes passe par le suivi à long terme des patients qui prennent des opioïdes et des effets indésirables (comme l’hyperalgésie par exemple).
Source: American Chemical Society Fall 2020 Virtual Meeting 17-Aug-2020 Patients taking long-term opioids produce antibodies against the drugs
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