Ces experts de l’École de médecine de l'Université de Washington sont convaincus que les nouvelles pandémies sont favorisées par une proximité croissante entre la faune sauvage et l’Homme. Ils proposent ainsi, dans la revue Science, un système décentralisé pour surveiller la faune sauvage, en particulier lorsqu’elle est commercialisée sur des marchés ou « d'autres points chauds » à risque élevé de transmission inter-espèces.
Ainsi, le nouveau coronavirus SARS-CoV-2 associé à la pandémie de COVID-19 est probablement originaire de chauves-souris sauvages qui vivent dans des grottes autour de Wuhan, en Chine, et a pu avoir été transmis à une deuxième espèce animale avant d'infecter les humains, selon l’hypothèse de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). La plupart des épidémies les plus dévastatrices de ces dernières décennies, notamment Ebola, la grippe aviaire et le VIH / sida ont été déclenchées par des virus animaux qui se sont propagés aux humains. Malgré le danger toujours présent d'un nouveau virus émergent, il n'existe toujours pas de système mondial de détection des virus chez les animaux sauvages qui pourraient éventuellement se propager aux humains.
Détecter les virus émergents chez les animaux sauvages avant transmission à l’Homme
Cet article de perspective d'experts en maladies infectieuses, d'écologistes, de biologistes de la faune et d'autres spécialistes soutient ainsi qu'un système mondial décentralisé de surveillance de la faune devrait être mis en œuvre afin d’identifier les virus chez les animaux sauvages qui ont le potentiel d’infecter l’Homme et de déclencher une nouvelle pandémie.
Surveiller les coronavirus : « Aujourd’hui, il est impossible de savoir à quelle fréquence les virus animaux se propagent dans la population humaine, mais nous savons que les coronavirus ont provoqué des épidémies chez les humains à 3 reprises au cours de ces 20 dernières années », rappelle l’un des auteurs, le Dr A. Philips, agrégé de médecine et codirecteur de la Division des maladies infectieuses de la Washington University School of Medicine. L’auteur fait référence au SRAS, au MERS et au COVID-19.
Chaque animal possède son propre virome, avec un certain chevauchement entre les espèces. Souvent, une espèce animale et ses virus vivent ensemble depuis si longtemps qu'ils se sont adaptés les uns aux autres, et les virus ne provoquent aucun symptôme ou seulement une maladie légère à modérée. Mais lorsque différentes espèces normalement sans contacts sont réunies, les virus ont la possibilité de passer d'une espèce à l'autre. Si la plupart des virus n'ont pas les ressources génétiques nécessaires pour infecter une autre espèce, lorsque cela se produit, l’espèce infectée, dépourvue d’immunité naturelle développe une maladie généralement sévère.
L'activité humaine induit des contacts jusque-là improbables qui accroissent ce risque de contamination inter-espèces et de l’animal à l’Homme. Alors que la population mondiale continue de croître, la demande de ressources naturelles monte en flèche. Des populations s’installent dans des zones jusque-là sauvages, les animaux sauvages sont capturés, vendus et consommés, différentes espèces sont mélangées dans des conditions de surpeuplement et d'insalubrité.
Et pourtant, aucun système international n'a été mis en place
pour détecter les virus pathogènes associés au déplacement de la faune sauvage. Ces experts suggèrent la création d'un réseau mondial de surveillance permettant d’évaluer les animaux sauvages et leurs produits, en particulier dans les zones à risque élevé, comme les marchés. L'idée directrice serait que des équipes locales de chercheurs extraient des génomes viraux de prélèvements d'animaux, les séquencent sur site et téléchargent les séquences dans une base de données centrale dans le Cloud.
« Il existe aujourd’hui un séquenceur génétique disponible de la taille d'une clé USB », commentent les chercheurs. Il n’existe donc plus d’obstacles matériels à mettre en œuvre un tel réseau de surveillance. Et, une fois les séquences virales téléchargées, les chercheurs du monde entier pourraient aider à les analyser pour identifier les virus animaux qui peuvent constituer une menace pour les humains.
Connaître cette biodiversité virale et suivre son évolution permettrait d’avoir une longueur d'avance les virus ayant pour réservoirs les animaux sauvages.
Source : Science 10 Jul 2020 DOI: 10.1126/science.abc0017 Rigorous wildlife disease surveillance
Plus sur COVID-19
Lire aussi : BIODIVERSITÉ : Le micro-dispositif qui identifie les écosystèmes menacés
Laisser un commentaire