Cette étude d’une équipe du Memorial Sloan Kettering (MSK) Cancer Center intéressera les hommes qui, atteints d'un cancer avancé de la prostate vont recevoir ou reçoivent un traitement par privation androgénique. Alors que les androgènes sont des hormones qui alimentent la croissance des cellules de la prostate, les neutraliser par médicaments fait rétrécir la glande de la prostate de 90%. Ces travaux in vitro et in vivo, présentés dans la revue Science décryptent la capacité hors normes des cellules de la prostate à se régénérer. Un effet « à double tranchant » lorsque ces cellules sont cancéreuses.
Le traitement par privation androgénique en inhibant les effets des androgènes, ralentit ainsi la progression du cancer de la prostate. Mais l’étude montre que les cellules épargnées, celles qui survivent à la thérapie, peuvent, en raison de leur capacité à se régénérer, favoriser une récidive de la tumeur. Et lorsque c’est le cas, cette tumeur est généralement résistante à l’hormonothérapie et va métastaser et se propager à d'autres organes… L’équipe newyorkaise décrypte ici le processus qui permet à « la prostate » de « repousser » ou se régénérer si rapidement et, ce faisant, pose de nouvelles interrogations.
La régénération de la prostate, ce n’est pas qu’une question de cellules souches
Toutes les cellules « s’y mettent » : « Nous nous attendions à identifier un groupe spécifique de cellules souches responsable de la régénération de la glande », explique l’auteur principal, le Dr Charles Sawyers, président du programme d'oncologie humaine et de pathogenèse au MSK. « Cependant, nous constatons ici que presque toutes les cellules qui ont survécu au traitement par privation androgénique contribuent à la régénération de la prostate ». La plupart de ces cellules sont des cellules luminales, qui forment l'intérieur de l'organe creux.
Des implications pour le traitement du cancer de la prostate : une technique d’analyse puissante appelée séquençage d'ARN unicellulaire (scRNA seq) a permis à l’équipe d'identifier les gènes activés dans les cellules individuelles sur près de 14000 cellules de la prostate de souris. À partir de ces données, les chercheurs ont cartographié les types de cellules identifiés, ici dans une prostate de souris. Cette classification a permis de déterminer quels types de cellules survivantes une thérapie de privation d'androgènes et lesquelles ont recommencé à se diviser pour régénérer la prostate, une fois les niveaux normaux d’androgène restaurés.
Les cellules luminales constituent la majeure partie des cellules qui se divisent pour reconstruire la prostate- et non un petit sous-groupe de cellules souches spécifiques, comme on s’y attendait. Ces cellules luminales dont la principale fonction est de sécréter des fluides ont, après la thérapie, clairement acquis des capacités qu'elles n’avaient pas auparavant. « Elles ont acquis de nouveaux gènes et des propriétés régénératives, notent les chercheurs. Des résultats reproduits sur des biopsies de tissu prostatique prélevées chez des patients traités pour un cancer de la prostate : chez l’Homme, il existe ainsi un type similaire de cellules luminales de la prostate qui ont acquis des capacités comparables à celles des cellules souches.
Des cellules différenciées qui se comportent « en cellules souches » : si l’étude ne remet pas en question bien sûr la faculté spécifique des cellules souches à donner naissance à de nombreux types de cellules spécialisées tout en conservant une capacité élevée de prolifération, elle contredit en quelque sorte leur exclusivité dans la fonction de régénération. un modèle classique de la façon dont les cellules souches régénèrent et réparent les tissus. Ainsi, dans la prostate, des cellules totalement différenciées peuvent devenir des cellules souches dans certaines conditions !
« Une plasticité de la lignée » : de précédentes études de la même équipe avaient suggéré que certaines cellules cancéreuses de la prostate possèdent aussi une capacité de changer d’identité. Ces cellules cancéreuses peuvent se reprogrammer, par exemple, en cellules prostatiques qui ne nécessitent pas d'androgènes pour survivre. Ainsi, ce phénomène de « plasticité de la lignée » est un moyen important pour ces cellules cancéreuses de développer une résistance aux thérapies de privation hormonale.
Une arme à double tranchant, c’est donc ainsi qu’est finalement décrit le traitement par privation androgénique : de nombreuses cellules meurent, mais celles qui survivent ont une capacité de régénération presque comparable à des cellules souches. Le cancer de la prostate est alors repoussé dans un état « progéniteur » mais avec une forte capacité de « recrudescence ».
Un processus qui semble une cible prometteuse de futures recherches sur les signaux moléculaires et cellulaires qui contrôlent ce « commutateur ».
Source: Science 1 May 2020 DOI: 10.1126/science.aay0267 Regenerative potential of prostate luminal cells revealed by single-cell analysis
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