Cette étude menée par une équipe de l’Université Johns Hopkins, dans la ville chinoise de Shenzhen (Sud de la Chine), nous apporte des données clés sur la propagation du coronavirus SARS-CoV-2 associé à l’épidémie COVID-19 responsable, au 30 avril 2020, de plus de 3 millions de cas confirmés et de plus de 200.000 décès dans le monde. L’analyse, présentée dans le Lancet Infectious Diseases montre aussi comment une stratégie de test élargie et de traçage des contacts a permis de stopper la propagation locale de l'épidémie.
L’équipe de l’École Bloomberg de Santé publique rappelle qu’à Shenzhen, comme dans toutes les villes clusters, les autorités sanitaires chinoises ont mis en œuvre une surveillance épidémiologique intensive, l'isolement systématique des patients infectés et la mise en quarantaine des personnes contact au cours des premiers mois de l'épidémie.
Des repères toujours plus précis sur la dynamique de l’épidémie
Les chercheurs américains travaillent ici à partir des données très détaillées recueillies par le Shenzhen Center for Disease Control and Prevention sur 391 patients COVID-19 ou « cas index » -car identifiés comme cas de départ de différentes chaines de transmission- et sur les données de 1.286 contacts étroits de ces cas index, au cours de la période de 30 jours du 14 janvier au 12 février. La qualité des données de départ sur un ensemble précoce d'individus infectés ainsi que leurs contacts, permet à l’équipe de préciser la dynamique de transmission de COVID-19. En effet, la façon dont un pathogène émergent se transmet d'un individu à l'autre peut être difficile à évaluer pour les épidémiologistes une fois que la propagation communautaire a commencé, car les voies de transmission possibles deviennent trop complexes pour être tracées de manière fiable. En revanche, au début d'une épidémie et avant le début de sa diffusion dans la communauté, les épidémiologistes peuvent évaluer beaucoup plus précisément la dynamique de transmission en traçant les personnes symptomatiques, puis en traçant et testant leurs contacts récents pour déterminer qui a été infecté et qui ne l'a pas été.
Parmi les principales conclusions :
- les cas index présentent des symptômes 5 jours en moyenne avant d'être diagnostiqués, ce qui suggère une période d’incubation >ou égale à 5 jours ;
- la recherche des contacts (traçage) et le dépistage (tests) mené chez les contacts permettent de réduire ce délai -de transmission possible présymptomatique– de 5 à environ 3 jours pour les contacts infectés ;
- parmi les contacts, les contacts familiaux sont à risque d'infection plus élevé : le taux d’infection des enfants, moins susceptibles de développer des symptômes graves est globalement similaire à celui des adultes.
- parmi les 391 cas confirmés de COVID-19 au cours de cette période, les hommes (187 cas) et les femmes (204 cas) étaient à peu près également représentés, cependant les hommes sont environ 2,5 fois plus susceptibles de présenter des symptômes graves : le risque plus que multiplié par 2 de forme sévère de la maladie et de décès chez les hommes vs les femmes est à nouveau confirmé.
- 9% des 391 patients index présentaient des symptômes graves au moment de leur première évaluation médicale ;
- chez les cas contacts secondaires, 20% étaient asymptomatiques lors de la première évaluation médicale, ce qui suggère à nouveau qu'une proportion importante des porteurs de coronavirus sont des « porteurs silencieux », au moins au début de l'infection ; c’est l’hypothèse d’une transmission furtive du virus.
- L'âge moyen des 391 patients index est d'environ 45 ans ;
- la période d'incubation médiane est estimée à 4,8 jours (de l'exposition au début des symptômes) ;
- le temps de récupération médian est estimé à 23 jours pour les 60-69 ans, 22 jours pour les 50-59 ans et 19 jours pour les 20-29 ans ( de l'apparition des symptômes à la disparition complète des symptômes et un test négatif pour l'ARN viral );
- le taux d'attaque est estimé à 6,6 % lorsque tous les contacts étroits ont été testés et que tous les résultats positifs ont été enregistrés. Ce taux d'attaque atteints 11,2% pour les contacts familiaux ( proportion de contacts étroits infectés à partir d'1 cas confirmé) ;
- l’intervalle de série est estimé en moyenne à 6,3 jours (intervalle entre 2 infections successives, ici avec mesures de distanciation mises en œuvre).
- le nombre de reproduction R0 est ici estimé à 0,4. Ce chiffre très modeste s’explique à l’évidence par les mesures mises en œuvre en Chine, de traçage, de détection et d’isolement des cas index et de leurs contacts. Ici, le R0 <1, cela signifie que l'infection n'est plus en mesure de se propager efficacement.
- certains sujets infectés s’avèrent à l'origine de très nombreuses autres infections, ce qui signifie qu’il existe des super–transmetteurs capables à eux-seuls de « relancer » l’épidémie : l’analyse suggère ainsi que 80% des infections sont causées par moins de 9% des cas index.
Des données réactualisées et précieuses qui vont aider les épidémiologistes à mieux conseiller encore les politiques de réponse à l’épidémie.
Source: The Lancet Infectious Diseases April 27, 2020 DOI: 10.1016/S1473-3099(20)30287-5 Epidemiology and Transmission of COVID-19 in Shenzhen China: Analysis of 391 cases and 1,286 of their close contacts: a retrospective cohort study
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