En ce 28 mars 2020, COVID-19 a atteint un niveau pandémique et constitue une menace pour la santé mondiale. La propagation de l’épidémie se poursuit, avec plus de 600.000 cas confirmés dans le monde et près de 30.000 décès. Avec tout de même quelques nouveaux cas, la Chine reste en dessous des 82.000 cas confirmés. L’épidémie COVID-19 est ainsi toujours en évolution, dans 177 pays et il est trop tôt pour prédire sa trajectoire au cours des prochaines semaines. Cependant, au fil des jours, les équipes de recherche parviennent à préciser ses principales caractéristiques cliniques. Cette très large analyse américaine de l’ensemble des preuves disponibles sur le sujet fait le point très attendu sur les comorbidités préexistantes, les symptômes et les conséquences cardiovasculaires de la maladie. Cette équipe américaine documente notamment ici l’importance d'identifier les facteurs de risque de développement de complications cardiaques chez les patients atteints de COVID-19.
Les chercheurs de l’Université du Texas et du Texas Heart Institute (Houston), du Brigham and Women’s Hospital, Harvard Medical School (Boston) et de l’Université du Minnesota (Minneapolis) l’suggèrent aujourd’hui d’ouvrir un registre des patients atteints de COVID-19 et l’enregistrement systématique des variables cliniques et des complications cardiovasculaires afin de mieux encore identifier le modèle de complications cardiovasculaires. Ces données pourraient permettre ensuite de développer un modèle de risque de complications cardiaques et de pouvoir anticiper la réponse aux traitements.
Les coronavirus sont connus pour affecter le système cardiovasculaire
Les chercheurs ont donc passé en revue les données cardiovasculaires associées aux différents coronavirus, en mettant l'accent sur COVID-19. Plusieurs observations ressortent :
- une grande proportion de patients atteints présente une maladie cardiovasculaire sous-jacente et / ou des facteurs de risque cardiaque ;
- parmi les facteurs associés à la mortalité figurent notamment l'hypertension, le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires et les maladies cérébrovasculaires ;
- une lésion cardiaque aiguë est fréquemment observée dans les cas graves et est fortement associée à la mortalité ;
- COVID-19 est associée à une charge inflammatoire élevée qui peut induire une inflammation vasculaire, une myocardite (myocarde) et des arythmies cardiaques.
Comprendre les effets de COVID-19 sur le système cardiovasculaire est essentiel pour fournir des soins médicaux complets aux patients cardiaques.
Le SARS-CoV appartient au groupe des β-CoV et se lie à l'enzyme de conversion de l'angiotensine 2 (ACE2 : angiotensin-converting enzyme 2), une molécule de surface localisée sur les cellules endothéliales des artères et des veines, du muscle lisse artériel, de l'épithélium des voies respiratoires, de l'épithélium de l'intestin grêle, de l'épithélium des voies respiratoires et des cellules immunitaires, pour pénétrer dans la cellule hôte. Il a été proposé que la suppression de l'expression de l'ACE2 pendant l'infection par le SRAS-CoV est impliquée dans la sévérité de la pneumonie et l’insuffisance pulmonaire aiguë observées avec ce virus.
Complications cardiovasculaires : le SARS-CoV peut également entrainer des complications cardiovasculaires, bien que la plupart des données soient anecdotiques en l'absence d'études systématiques. Le syndrome coronarien aigu, l'infarctus du myocarde et une dysfonction diastolique transitoire ont ainsi été observés pendant l’infection par le SRAS, dans de petites études. Toujours dans une « étude portant sur le SRAS, la tachycardie a été rapportée comme le résultat le plus courant chez 72% des patients présentant une maladie cardiovasculaire sous-jacente, et d'autres complications rapportées comprenaient l'hypotension (50%), la bradycardie (15%), la cardiomégalie transitoire (11%) et la fibrillation auriculaire paroxystique transitoire. La plupart de ces patients étaient asymptomatiques et ces conditions se sont résolues spontanément. D’autres petites études, toujours sur le SRAS ont fait état de cas de thrombose veineuse profonde, d’infarctus sous-endocardique, de valvulopathie…
Des symptômes cardiovasculaires ? Les 3 principaux symptômes de COVID-19 sont la fièvre, la toux et l'essoufflement. Des symptômes moins courants comprennent des douleurs musculaires, l'anorexie, les malaises, les maux de gorge, la congestion nasale, la dyspnée et les maux de tête.
A ce jour, peu d’études font état de symptômes cardiovasculaires.
Comorbidités et manifestations cliniques cardiovasculaires
- Les principales manifestations cliniques rapportées à l’hospitalisation comprennent l’opacité pulmonaire (56,4% des cas), une lymphopénie (83,2%), une thrombopénie (36,2%) et une leucopénie (33,7%).
- Les comorbidités les plus courantes comprennent l'hypertension (14,9%), le diabète (7,4%) et les maladies coronariennes (2,5%).
- Une étude chinoise menée auprès de plus de 1.000 participants conclut que les patients atteints de maladie cardiovasculaire (MCV) représentent 4,2% des cas confirmés mais représentent 22,7% des décès, avec un taux de létalité de 10,5%.
- une autre petite étude fait état, à l’admission d’un taux de 15% des patients présentant une maladie cardiovasculaire préexistante, de 15% présentant une HTA préexistante, de 20% présentant un diabète de type 2.
MVC et risque de décès lié à COVID-19 :
- le taux de létalité pour les patients souffrant d'hypertension est évalué par une étude à 6%, vs avec le diabète à 7,3% et une maladie respiratoire chronique 6,3% ;
- une autre étude menée auprès de 138 patients hospitalisés avec COVID-19 dont 36 transférés en USI, fait état d’arythmies chez 44% des patients en réa. Là encore, 14% à l’hospitalisation présentaient une MCV.
- D’autres études font état d’arrêt cardiaque fatal au décès. Et de lésions cardiaques dans 23% chez les patients critiques.
- SARS-CoV-2 semble affecter le myocarde et provoquer une myocardite. Des autopsies suggèrent ainsi une infiltration du myocarde par des cellules inflammatoires mononucléaires interstitielles. Ces lésions myocardiques constituent un facteur pronostique important dans le COVID-19.
Tabagisme et MCV : la plupart des données disponibles proviennent de Chine, où le taux de tabagisme chez les hommes est très élevé (plus de 50% chez les hommes et moins de 3% chez les femmes). On sait que le tabagisme est associé à une forte augmentation du risque de MCV. Ce taux de tabagisme pourrait ainsi expliquer les différences observées de cas confirmés et de décès selon le sexe : voir notre article.
Enfin, conclut cette analyse de la littérature : « il est raisonnable de s'attendre à ce que les cas graves et critiques aient des effets plus graves sur le système cardiovasculaire en raison d'une réponse inflammatoire plus forte ».
Source: JAMA Cardiology March 27, 2020. doi:10.1001/jamacardio.2020.1286 Potential Effects of Coronaviruses on the Cardiovascular System
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