Le confinement qui fait partie intégrante de la réponse de l’ensemble des pays touchés aujourd’hui par l’épidémie COVID-19, a également, au-delà de l’épidémie elle-même, un impact psychologique négatif, indépendant, significatif et durable sur le public. Cette méta-analyse de psychologues du King’s College London informe et alerte sur ces effets négatifs du confinement et sur l’importance vitale d’un message clair et transparent des Autorités sanitaires tant sur les objectifs de la mesure que sur les comportements à adopter.
Au total, ces psychologues londoniens ont identifié plus de 3.100 études sur le sujet et en ont retenu 24 pour leur analyse. La plupart des études examinées font état de nombreux effets négatifs du confinement, dont des symptômes de stress post-traumatique, de la confusion et de la colère. Différentes caractéristiques ou conséquences du confinement apparaissent comme des facteurs majeurs de stress : la durée notamment, mais aussi la peur du risque d’infection inhérent au confinement, la frustration, l'ennui, la carence de certains produits de consommation courante, une information inadaptée ou tronquée, la perte de revenus et, lorsque le confinement n’est pas généralisé, la stigmatisation.
Certaines études suggèrent même des effets durables du confinement des mois après l’arrêt de la mesure.
Plusieurs des études sélectionnées ont comparé les résultats psychologiques de personnes mises en quarantaine à ceux de personnes poursuivant normalement leurs activités quotidiennes. Parmi leurs conclusions :
- des personnels hospitaliers déclarent, immédiatement après la fin d’une période de quarantaine de 9 jours des symptômes de stress aigu. Dans la même étude, le personnel mis en quarantaine s’avère beaucoup plus susceptible de signaler l'épuisement, le détachement des autres, l'anxiété, l'irritabilité, l'insomnie, une difficulté de concentration et l'indécision, une baisse d’efficacité et de motivation au travail ;
- toujours chez des personnels de santé, la mise en quarantaine reste un facteur prédictif de symptômes de stress post-traumatique, 3 ans après le confinement ;
- des scores moyens de stress post-traumatique sont 4 fois plus élevés chez les enfants confinés vs ceux non mis en quarantaine. Dans la même étude, 28% des parents mis en quarantaine présentent des symptômes suffisants pour justifier un diagnostic de trouble de santé mentale (vs 6% des parents non mis en quarantaine).
De la détresse émotionnelle aux troubles de santé mentale : globalement, la plupart des études montrent une prévalence élevée de symptômes de détresse psychologique et de troubles mentaux chez les personnes confinées, dont :
- une détresse émotionnelle,
- l’épuisement émotionnel,
- la dépression,
- le stress,
- des troubles de l’humeur, l’irritabilité et la colère,
- l’insomnie,
- le syndrome de stress post-traumatique,
- La mauvaise humeur et l'irritabilité se détachent avec une prévalence élevée, chez les personnes confinées.
- Une autre étude décrit les différentes « réponses négatives » à la quarantaine, chez un millier de personnes atteintes du SRAS : plus de 20% ont signalé de la peur, 18% de la nervosité, 18% de la tristesse et 10% de la culpabilité. Seuls 5% rapportent des sentiments de bonheur et 4% de soulagement.
Des effets durables ? certaines études font état 3 ans après l'épidémie de SRAS, d’une association avec l'abus d'alcool et de la dépendance. Après une mise en quarantaine, de nombreuses personnes continuent également de présenter des comportements d'évitement. Ce comportement d’évitement est constaté de manière particulièrement fréquente chez les professionnels de santé -mis en quarantaine en raison d'un contact potentiel avec le SRAS ; ces derniers vont ensuite « éviter » les patients qui toussent ou éternuent ou les endroits clos et bondés. Certains comportements adoptés pendant l’épidémie perdurent des mois ou des années, tels qu'un lavage des mains fréquent et l'évitement des foules.
Quelles caractéristiques associées à des impacts psychologiques plus négatifs ? Globalement, un âge plus jeune (16-24 ans), un niveau d’étude plus faible, le sexe féminin, avoir des enfants sont des caractéristiques associées, selon certaines études, à des effets psychologiques plus négatifs. Les antécédents de maladie psychiatrique sont associés à des troubles anxieux et de la colère 4 à 6 mois après la sortie de confinement.
Et les professionnels de santé ? Ils souffrent plus que le public, et dans toutes les dimensions précédemment évoquées. Plus de stigmatisation, plus de comportements d'évitement, plus grande perte de revenus et plus de conséquences psychologiques : dont plus de colère, d'agacement, de peur, de frustration, de culpabilité, d'impuissance, d'isolement, de solitude, de nervosité, de tristesse, d’inquiétude…
Les facteurs les plus « stressants » du confinement ?
- Sa durée est associée de manière forte et dose-dépendante à une mauvaise santé mentale, aux symptômes de stress post-traumatique, aux comportements d'évitement et à la colère.
Ainsi, les personnes confinées pendant plus de 10 jours présentent des symptômes de stress post-traumatique significativement plus élevés
- Ensuite, la rupture de la routine habituelle et la réduction des contacts sociaux et physiques sont synonymes d’ennui, de frustration et de sentiment d'isolement du reste du monde. La frustration est d’autant plus grande que l’on n’est pas en charge des activités quotidiennes habituelles, telles que les achats de produits de première nécessité.
- Le manque de produits ou de services de première nécessité est également source de frustration, mais aussi d’anxiété et de colère. Ces sentiments peuvent perdurer des mois après la « libération ».
- Ne pas pouvoir recevoir les soins médicaux et les prescriptions habituelles est une source d’angoisse bien compréhensible pour certains participants.
- 4 études révèlent que, lors de l’épidémie de SRAS, les réassorts de masques ou de thermomètres étaient en retard ou inexistants, que la nourriture, l'eau et d'autres articles de première nécessité n'étaient distribués que par intermittence…
Enfin, une mauvaise information de la part des Autorités de Santé publique, un manque de transparence, des lignes directrices pas suffisamment claires sur les comportements à adopter et une confusion sur l'objectif du confinement conduit le public à craindre le pire. Ainsi, écrivent les chercheurs, « les autorités devraient instaurer les confinements pour une durée n'excédant pas celle requise, apporter une justification du confinement et des protocoles clairs, en s’assurant que les personnes confinées aient accès aux produits et services de première nécessité. Enfin, l’appel à l'altruisme en rappelant le bénéfice commun du confinement peut être un élément positif ».
Source: The Lancet March 14, 2020 DOI : 10.1016/S0140-6736(20)30460-8 The psychological impact of quarantine and how to reduce it: rapid review of the evidence
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