Le Viagra (sildénafil) peut-il être utilisé en thérapie fœtale pour traiter le retard de croissance intra-utérin (RCIU) ? Ces scientifiques de l'Université de Manchester qui ont « regardé » chez l’animal, les effets du médicament dans cette indication, concluent, dans l’American Journal of Physiology-Heart and Circulatory Physiology à l’absence d’amélioration de la croissance fœtale, mais en revanche à un effet délétère : une pression artérielle trop élevée à l’âge adulte.
Le retard de croissance intra-utérin affecte jusqu’à 8% des grossesses et la plupart des cas sont causés par une mauvaise fonction du placenta, qui affecte le flux sanguin et donc le transfert de nutriments de la mère au bébé.
Le sildénafil est couramment utilisé pour traiter la dysfonction érectile car il améliore la circulation sanguine. Le médicament a fait l'objet d'essais comme traitement possible du RCIU, une condition qui doit être traitée alors qu’elle entraîne un risque accru de mortinatalité, de problèmes de développement et de maladies cardiaques et de diabète à l'âge adulte.
Il n'existe actuellement aucun traitement mais les thérapies candidates incluent le citrate de sildénafil, inhibiteur de la phosphodiestérase de type 5 (PDE5). De précédents essais cliniques randomisés chez la femme n'ont démontré aucun effet du médicament sur la croissance fœtale dans les cas de RCIU sévères à début précoce. Au contraire même, l’essai clinique international Strider, mené auprès de mères durant leur grossesse a été interrompu après le décès de 11 bébés de complications pulmonaires. Cet essai a également révélé que le médicament n'avait aucun avantage significatif sur la croissance fœtale ou la prolongation de la grossesse.
Cependant, les résultats à long terme de ce traitement restent mal connus.
L'exposition in utero au sildénafil ne permet pas d’améliorer la croissance ou la viabilité du fœtus
Cette étude a donc évalué l'effet du traitement prénatal par sildénafil sur la santé métabolique et cardiovasculaire de la progéniture en évaluant, chez une souris modèle de RCIU, le gain de poids postnatal, la tolérance au glucose, la pression artérielle systolique et la fonction artérielle. L’étude montre que :
- le traitement ne permet pas de modifier le poids ou la viabilité du fœtus ;
- entraîne une prise de poids postnatale et réduit la sensibilité au glucose, en particulier chez la progéniture femelle ;
- entraîne une augmentation de la pression artérielle systolique chez la progéniture mâle et femelle à l’équivalent de l’âge adulte : plus de 90% des souris exposées in utero au médicament ont développé ensuite une augmentation significative de leur tension artérielle. Cette augmentation s'avère équivalente à celle menant au diagnostic de l'hypertension artérielle chez l'Homme.
Un risque de dysfonctionnement métabolique à l'âge adulte : l'équipe de Manchester est la première à signaler les effets à long terme du médicament, sur la progéniture mâle et femelle : ainsi, cette étude chez l’animal montre que le traitement in utero peut entraîner un dysfonctionnement métabolique et une élévation de la pression artérielle plus tard dans la vie. Alors qu’aucun traitement n'est disponible pour traiter ce retard de croissance, la seule option pour les obstétriciens reste un accouchement très précoce afin de pouvoir prendre en charge le bébé en dehors de l'utérus.
L’auteur principal, le Dr Dr Mark Dilworth conclut ainsi : « Les preuves de cette étude et d'autres suggèrent une très grande prudence dans l'utilisation du Viagra pour le traitement du retard de croissance intra-utérin. Notre étude suggère en effets des risques à long terme au-delà de l’absence d'effet bénéfique. Il reste cependant important de poursuivre les recherches sur le sujet ».
Source: American Journal of Physiology-Heart and Circulatory Physiology 14 Jan 2020 DOI : 10.1152/ajpheart.00568.2019 Antenatal sildenafil citrate treatment increases offspring blood pressure in the placental-specific Igf2 knockout mouse model of FGR
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