C’est une nouvelle étude de modélisation, réalisée par une équipe de l'Université de Hong Kong et publiée dans le Lancet, qui estime la propagation du nouveau coronavirus 2019-nCoV qui, depuis son émergence fin décembre 2019, dans la ville chinoise de Wuhan a déclenché une épidémie de pneumonie atypique. L’étude apporte une nouvelle estimation de la taille de l'épidémie à Wuhan sur la base du nombre de cas exportés de Wuhan en dehors de la Chine continentale et une première prévision de l'étendue des risques nationaux et mondiaux de santé publique. Si le modèle aboutit à une estimation pouvant atteindre 75.800 cas dans la seule ville de Wuhan, en date du 25 janvier 2020, les chercheurs prennent les précautions d’usage et précisent qu’en l'absence d'une chronologie solide et détaillée des enregistrements des cas suspects, probables et confirmés et des contacts étroits, la taille exacte de l'épidémie et son potentiel pandémique restent encore flous.
« Toutes les personnes infectées par le 2019-nCoV n'auraient pas nécessairement besoin de soins médicaux ou de consulter ». Dans ces situations d’urgence, d’épidémie en expansion rapide, à partir d'un virus complètement nouveau, de nombreux cas peuvent ne pas être comptabilisés dans les registres officiels, souligne l'auteur principal, le professeur Gabriel Leung de l'Université de Hong Kong. Plusieurs facteurs sont ici invoqués par les chercheurs, dont le décalage entre l'infection et l'apparition des symptômes, des retards entre l’infection, les symptômes et la recherche de soins médicaux, le temps nécessaire pour confirmer les cas par tests de laboratoire…
Si environ 11.000 cas sont officiellement confirmés à ce jour, jusqu'à 75.815 personnes pourraient avoir été infectées à Wuhan
Principales conclusions de la modélisation : les chercheurs ont utilisé un modèle mathématique pour estimer la taille de l'épidémie sur la base des données de cas 2019-nCoV officiellement déclarées et des données sur les voyages nationaux et internationaux (train, air, route). Ils ont supposé que le délai de transmission interhumaine était similaire à celui du SRAS. Les chercheurs ont également pris en compte l'impact des différentes interventions de santé publique mises en œuvre en janvier (port de masques, mesures d’hygiène, confinement etc…). La modélisation suggère que :
- au début de l'épidémie soit du 1er décembre 2019 au 25 janvier 2020, chaque personne infectée par le 2019-nCoV a pu infecter jusqu'à 2 ou 3 autres personnes en moyenne ;
- l'épidémie a doublé en taille tous les 6,4 jours ;
- au cours de cette même période, jusqu'à 75 815 personnes auraient pu être infectées à Wuhan.
- des cas d'infection au 2019-nCoV se sont propagés de Wuhan à plusieurs autres grandes villes chinoises au 25 janvier dont Guangzhou (111 cas), Pékin (113), Shanghai (98) et Shenzhen (80). Ensemble, ces villes représentent plus de la moitié de tous les voyages aériens internationaux à destination de la Chine ;
- la quarantaine à Wuhan pourrait ne pas avoir l'effet escompté de stopper complètement l'épidémie ;
- si la transmissibilité de 2019-nCoV pouvait être réduite de 25% dans toutes les villes du pays avec des efforts de contrôle accrus, le taux de croissance et la taille des épidémies locales pourraient être considérablement réduits ;
- une réduction de 50% de la transmissibilité pourrait faire passer l'épidémie actuelle de 2019-nCoV d'une épidémie en expansion rapide à une épidémie à croissance lente.
Comment réduire la transmissibilité ? Les scientifiques suggèrent de réduire la transmissibilité locale et de contenir les épidémies locales par des draconiennes dont la limitation de la mobilité de la population dans toutes les zones touchées ; de réduire considérablement les contacts en annulant les rassemblements de masse, en fermant les écoles et en élargissant le travail à domicile.
Se préparer à un déploiement rapide : plusieurs grandes villes chinoises ont très probablement déjà importé des dizaines de cas d'infection et en nombre suffisant pour déclencher des épidémies locales. Les premières estimations soulignent ainsi qu'il faudra probablement passer rapidement à la vitesse supérieure dans la mise en œuvre des mesures de contrôle de santé publique pour prévenir de grandes épidémies dans les zones en dehors de Wuhan. « Si la transmissibilité de 2019-nCoV est similaire à l'échelle nationale et au fil du temps, il est possible que les épidémies se multiplient déjà dans plusieurs grandes villes chinoises, avec un décalage d'une à deux semaines après l'épidémie de Wuhan. Les grandes villes reliées par de grandes lignes avec la Chine pourraient également devenir des épicentres d'épidémie en raison de la propagation substantielle des cas pré-symptomatiques ».
Mettre en application immédiatement les plans de préparation : Sur la base de leurs estimations, les chercheurs appellent les autorités du monde entier à mettre en œuvre les interventions prévues dans les plans de préparation et de riposte aux épidémies, dont la disponibilité de stocks suffisants de réactifs de test, de médicaments, d’équipements de protection individuelle, de fournitures hospitalières, mais aussi les ressources humaines, en particulier dans les villes ayant des liens étroits avec Wuhan et d'autres grandes villes chinoises.
Les auteurs soulignent enfin les limites possibles de leur étude. Il subsiste encore de nombreuses incertitudes concernant la source ou réservoir de l’infection, l’impact de la maladie sur les comportements de voyage, l’existence possible de cas bénins asymptomatiques…
Source: The Lancet January 31, 2020 DOI: 10.1016/S0140-6736(20)30260-9 Nowcasting and forecasting the potential domestic and international spread of the 2019-nCoV outbreak originating in Wuhan, China: a modelling study
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