Ce que l’on mange a-t-il un impact réel sur notre cerveau ? Si de nombreuses données épidémiologiques mettent en évidence une association entre la nutrition et la santé mentale, la relation de cause à effet et les mécanismes sous-jacents restent encore mal compris. Mais alors que de récents résultats d'études d'intervention suggèrent que la modification de l'alimentation peut participer à la prévention et au traitement des troubles mentaux, et notamment modifier la réponse aux médicaments, il est urgent de mieux comprendre l'impact des différents régimes et aliments sur les processus métaboliques et cellulaires, sur les circuits neuronaux et les processus cognitifs et émotionnels. Cette revue « intégrale » de la littérature publiée sur le sujet met en lumière les preuves et les espoirs qui émergent avec ce nouveau domaine de la psychiatrie nutritionnelle.
Le défi d'une nutrition adaptée et favorable à chacun : la sensibilité aux problèmes de santé mentale varie au cours de la vie et entre les individus et est influencée par des facteurs génétiques et environnementaux, dont culturels. Les besoins nutritionnels varient également au cours de la vie. Pour pouvoir améliorer et apporter des recommandations diététiques en faveur de la santé mentale, le défi majeur consiste à adapter des connaissances issues d’observations en population générale à un programme de nutrition personnalisée.
Un lien indiscutable entre nutrition et santé mentale, mais aussi beaucoup d’idées reçues
Cet examen de la littérature mené par des nutritionnistes de l’Université de Göteborg (Suède) confirme, dans un premier temps, l’influence considérable du régime alimentaire sur la santé mentale et le bien-être, mais révèle aussi un manque ou une faiblesse des preuves d’efficacité pour de nombreux régimes. L’auteur principal, le professeur Suzanne Dickson confirme : « Il existe de plus en plus de preuves d'un lien entre une mauvaise alimentation et l'aggravation des troubles de l'humeur, y compris l'anxiété et la dépression. Cependant, de nombreuses idées reçues sur les effets sur la santé de certains aliments ne sont pas étayées par des preuves solides ».
Un lien fermement établi dans certains domaines : ce lien entre l'alimentation et la santé mentale est bien documenté dans certains cas, comme par exemple :
- la capacité d'un régime riche en graisses et en glucides (régime cétogène) à réduire la sévérité des crises d’épilepsie ;
- l'effet d'une carence en vitamine B12 sur le développement de la fatigue, des troubles de la mémoire et de la dépression ;
- les avantages du régime méditerranéen, riche en légumes et en huile d'olive, pour la santé mentale, comme prévention contre la dépression et l'anxiété….
Des preuves peu concluantes pour de nombreux aliments ou suppléments par exemple, sur les effets d’une supplémentation en vitamine D, ou sur des aliments susceptibles d'être associés au TDAH ou à l'autisme. Dans ces cas, à l’insuffisance de preuves en population générale, se combinent des facteurs individuels : concernant le TDAH par exemple, une augmentation des apports en sucre semble associée à la sévérité de l’hyperactivité, alors que consommer plus de fruits et légumes frais semble apporter un effet protecteur. Enfin, la méthodologie de nombreuses études est discutable tant au plan de l’échantillon que de la durée de suivi. Ainsi, si dans certaines études, des aliments apparaissent associés à un problème de santé mentale, on ignore toujours les raisons de cet effet.
L’urgence de nouvelles recherches en psychiatrie nutritionnelle : les conseils diététiques pour la santé mentale doivent être basés sur des preuves scientifiques solides. Cette revue de la littérature montre, qu’en réalité, il est très difficile de prouver que des régimes alimentaires spécifiques ou des composants alimentaires spécifiques contribuent à la santé mentale. D’autant que chez les adultes en bonne santé, les effets de l’alimentation sur la santé mentale sont assez faibles, ce qui rend leur détection extrêmement complexe. Il se pourrait de plus que la supplémentation ne fonctionne qu’en cas de carences alimentaires. Enfin, au niveau de chaque patient, la génétique qui induit des différences subtiles pourrait influer sur la réponse à des apports ou des changements alimentaires.
Les études sur l’alimentation sont enfin très complexes à mener. Il n’existe en effet pas d’équivalent « placebo » à un nutriment donné !
En quelques mots, la psychiatrie nutritionnelle est un domaine émergent et à ce stade le seul message possible est le caractère incontestable de l’impact du régime alimentaire sur la santé mentale. « Mais nous avons besoin de plus d'études sur les effets à long terme des nutriments, des aliments et des différents régimes ».
« L'interface entre l'intestin et le cerveau d'un côté et le régime alimentaire et la santé mentale de l'autre, constituent l'une des questions les plus débattues en psychiatrie biologique. C'est un développement passionnant qui a pris de l'ampleur au cours de la dernière décennie. Cette revue nous apporte un premier bilan, beaucoup de résultats de grande qualité ont été publiés mais nous manquons de preuves tangibles sur la façon dont la nutrition et la santé mentale sont liées chez l'homme ».
Source: European Neuropsychopharmacology December 2019 DOI :10.1016/j.euroneuro.2019.10.011 Nutritional psychiatry: Towards improving mental health by what you eat
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