Cette équipe du Karolinska Institutet (Suède) propose, dans le cadre d’une étude in vivo et in vitro, une nouvelle option thérapeutique pour cette maladie rare, impressionnante et sans traitement à ce jour. Alors qu’une des caractéristiques majeures de la maladie est une dysfonction de la réparation de l'ADN, ces chercheurs, en « ajoutant » des oligonucléotides antisens, parviennent à réduire le niveau d'ARN non codant télomérique et à rétablir une division cellulaire plus normale. S’il reste à reproduire ces résultats chez l’Homme, le traitement semble prometteur pour améliorer l'état de santé des patients atteints et pour prolonger leur durée de vie. Ces travaux viennent d’être publiés dans la revue Nature Communications.
La progéria (syndrome de Hutchinson-Gilford) est une maladie mystérieuse, c'est un vieillissement accéléré de l'organisme de certains enfants qui, dès la naissance, commencent à « vieillir à vue d'œil », accumulant en quelques années les maladies de l'avance en âge : athérosclérose, hypercholestérolémie, ostéoporose, rhumatismes, perte de cheveux et de dents, jusqu'au décès prématuré par infarctus, en moyenne à 12,5 ans. La maladie est très rare et touche environ un enfant sur 18 millions. Les corps des enfants atteints ne sont pas en mesure de produire une version correcte d'une protéine, la lamine A (LMNA), impliquée dans des fonctions essentielles telles que la réparation de l'ADN. La version défectueuse de la protéine, connue sous le nom progérine déclenche une série d'effets indésirables au niveau cellulaire qui entraîne des dommages importants à plusieurs parties du corps, et un vieillissement précoce. Jusqu'à présent, plus d'une douzaine de traitements de la progéria ont été testés mais les essais cliniques menés chez des patients atteints ont tous donné des résultats décevants.
La thérapie antisens parvient à relancer une division cellulaire normalisée
Une démonstration in vitro : ici, les chercheurs ont travaillé sur des échantillons de cellules d’enfants atteints de progéria pour identifier puis démontrer cette altération de la fonction des télomères situés à l’extrémité des chromosomes et l’accumulation de ce qu’on appelle l’ARN non-codant télomérique. On connaît le rôle clé des télomères dans la division cellulaire et leur dégradation avec le vieillissement : les télomères sont des capuchons protecteurs situés aux extrémités des chromosomes qui se raccourcissent à chaque division cellulaire et, à un certain point, la cellule cesse de se diviser et de se renouveler. Plus largement, les télomères sont de bons marqueurs de l’âge biologique.
En ajoutant des oligonucléotides antisens -un traitement utilisé pour inactiver les gènes nocifs qui consiste avec ces fragments d'ARN de « compléter » et réparer un ARN messager déficient-, les chercheurs sont en mesure de réduire le niveau d'ARN télomérique non codant. La division cellulaire est normalisée.
Une première preuve de concept in vivo : sur une souris modèle de progéria traitée par oligonucléotides antisens, les chercheurs suédois observent également une augmentation significative de l'espérance de vie maximale de 44%, et de l'espérance de vie moyenne de 24%.
Des implications pour le vieillissement normal : l’étude de la progéria a des implications pour la compréhension du vieillissement normal car la progérine est également présente chez les sujets en bonne santé et augmente avec l'âge. Cette action des oligonucléotides antisens pourrait donc être intéressante pour le vieillissement normal et les maladies liées au vieillissement.
« Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour évaluer en quoi des niveaux faibles de progérine observés chez les individus en bonne santé contribuent aux maladies liées au vieillissement ».
La thérapie antisens est déjà en cours de test dans des essais cliniques avancés portant sur d'autres maladies.
Source : Nature Communications 18 November 2019 Inhibition of DNA damage response at telomeres improves the detrimental phenotypes of Hutchinson–Gilford Progeria Syndrome
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