Alors que la dépendance aux opioïdes est devenue une véritable crise de Santé publique avec de lourdes répercussions sur le bien-être, la compréhension du sevrage et de ses symptômes physiques et émotionnels est essentielle. D’autant qu’on sait que ces symptômes constituent une expérience extrêmement négative qui favorise la poursuite de la consommation, et constitue un obstacle même au sevrage. En corrélant l'inflammation cérébrale et intestinale à cet état émotionnel négatif lors du sevrage, cette recherche menée à l'Université Thomas Jefferson (Philadelphie) et publiée dans la revue Frontiers of Neuroscience, contribue à expliquer cette exacerbation des symptômes au sevrage et révèle une possible, « la réduction de cette double inflammation », pour les apaiser.
Les chercheurs de Philadelphie se sont donc concentrés sur cette inflammation cérébrale et intestinale associée au sevrage des opioïdes à la recherche de thérapies pour trouver « un moyen » de la cibler.
L'inflammation de l'intestin et de l'amygdale explique la détresse émotionnelle du sevrage
Les opioïdes peuvent provoquer une inflammation du cerveau en induisant des cellules immunitaires à libérer ces molécules inflammatoires appelées cytokines. Les principales cellules immunitaires du cerveau étant la microglie et les astrocytes. Des réponses inflammatoires induites par les opioïdes ont ainsi été observées dans l'amygdale centrale, une zone du cerveau fortement impliquée dans la dépendance aux opioïdes en raison de son rôle dans les émotions et la motivation. L'amygdale centrale peut également être affectée par une inflammation dans d'autres parties du corps, comme les intestins. En fait, la communication entre les intestins et le cerveau ou « axe intestin-cerveau », peut influencer différents comportements et états émotionnels, notamment ceux liés à la toxicomanie et au sevrage.
Au niveau du cerveau : Les chercheurs ont isolé des neurones uniques, des microglies et des astrocytes de l'amygdale centrale et ont étudié leurs profils génétiques chez des rats normaux, dépendants aux opioïdes et sevrés. Ils constatent que :
- le profil des astrocytes est celui qui change le plus en fonction des états (normal, dépendant et sevré), avec une activation de l'expression génétique ;
- les 3 types de cellules présentent une augmentation considérable de la cytokine inflammatoire appelée TNF alpha chez les animaux sevrés.
Au niveau des intestins : Les chercheurs ont également analysé différents types de bactéries dans l'intestin des rats. Ils constatent que :
- certaines bactéries anti-inflammatoires sont éliminées chez les animaux sevrés, ce qui modifie la composition du microbiote intestinal et entraine une dysbiose, qui favorise l’inflammation du système digestif.
Les chercheurs ignorent comment ces changements influencent précisément le sevrage des opioïdes, mais ils suggèrent que l'inflammation simultanée de l'intestin et de l'amygdale centrale contribue à expliquer l'expérience émotionnelle négative du sevrage. Par ailleurs, ces résultats soulignent à nouveau la relation extrêmement complexe entre l'intestin et le cerveau.
Enfin, ces travaux ouvrent l’espoir qu’un ciblage de l'inflammation dans ces régions pourrait atténuer cette expérience négative, faciliter le sevrage et prévenir la dépendance.
Source: Frontiers of Neuroscience 03 July 2019 DOI: 10.3389/fnins.2019.00665 Single-Cell Glia and Neuron Gene Expression in the Central Amygdala in Opioid Withdrawal Suggests Inflammation With Correlated Gut Dysbiosis
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