Certes le répulsif anti-moustique DEET, objet de cette étude, est suspecté d’entraîner des effets neurotoxiques chez l’Homme*. Mais cette équipe de l’Université John Hopkins (Baltimore) décrypte son effet répulsif pour la première fois et dans l’objectif d’exploiter ce mécanisme : le répulsif semble en effet non pas repousser les neurones olfactifs des moustiques Anopheles mais plutôt empêcher les moustiques de détecter l’odeur de la peau humaine. Ce mécanisme documenté dans la revue Current Biology ouvre la piste à de nouveaux répulsifs anti-moustiques basés sur ce même principe.
Plus de 210 millions de personnes dans le monde sont piquées par les femelles moustiques Anopheles gambiae porteuses du paludisme, ce qui cause environ 450.000 décès chaque année. Parmi les pistes d’études poursuivies pour contrer ce fléau vectoriel, figure la recherche de l'odeur ou de la saveur qui serait la plus répugnante pour les moustiques et qui les dissuaderait de piquer les humains. Une précédente étude de la Johns Hopkins avait ainsi suggéré qu'une zone spécialisée du cerveau du moustique mixe les goûts et les odeurs pour créer des saveurs uniques et privilégiées par l'insecte. Cette nouvelle étude envisage plutôt de rendre invisible l’Homme pour le moustique.
Créer une « cape d’invisibilité » pour dissimuler l’Homme aux moustiques
L’équipe de la John Hopkins décrypte comment le DEET affecte réellement les moustiques. De précédentes études avaient analysé la structure chimique du répulsif, étudié la réponse chez des insectes plus faciles à manipuler, tels que les mouches à fruits, et fait des expériences in vitro sur des récepteurs olfactifs de moustique. Sans parvenir à clarifier la réponse neurologique du moustique Anopheles aux répulsifs.
Etudier la réponse neuronale du moustique : cette étude est la première à regarder directement la réponse des neurones olfactif in vivo c’est-à-dire chez le moustique lui-même. A l’aide d’une technique de génie génétique permettant de scruter le fonctionnement interne du système olfactif de l'insecte, l’équipe de Christopher Potter, professeur agrégé de neuroscience à l'Université Johns Hopkins, constate que les neurones olfactifs des moustiques Anopheles ne répondent pas directement au DEET ou à d'autres répulsifs synthétiques, mais que ces répulsifs empêchent les moustiques de détecter les odeurs de peau humaines.
Comment les répulsifs empêchent les moustiques de nous sentir : l’équipe montre que :
- le DEET interagit avec les composés chimiques de notre peau et que cette interaction masque l’odeur de l’Homme plutôt que de repousser directement les moustiques.
- lorsque les chercheurs diffusent ensuite sur l'antenne des insectes une odeur que les moustiques peuvent détecter, comme ces mêmes composés chimiques qui composent l'odeur de la peau humaine, des molécules fluorescentes créées par le groupe et exprimées dans l'antenne éclairent les neurones ce qui suggère que le système olfactif du moustique a bien détecté le signal.
- lorsque les chercheurs diffusent le parfum du DEET seul sur les antennes des moustiques, les molécules fluorescentes des neurones des moustiques ne s’éclairent pas, ce qui suggère que les moustiques ne sentent pas directement le produit chimique ;
- lorsque les moustiques sont exposés aux substances chimiques qui composent l'odeur de la peau humaine, les neurones « s'illuminent comme un arbre de Noël ». Et lorsque cette odeur humaine est mélangée au DEET, -ce qui reproduit l’application du répulsif sur la peau-, la réponse neuronale au mélange est plus faible, soit environ 5 fois moins puissante que la réponse à l’odeur humaine. Pourquoi ? En fait, en combinaison avec le DEET, le nombre de molécules odorantes humaines dans l'air est réduit de 85%. En résumé, DEET emprisonne les odeurs humaines et les empêche d'atteindre les moustiques.
Enfin et accessoirement, le répulsif agit probablement aussi par contact, pouvant éventuellement dissuader les anophèles de goûter ou de toucher la peau humaine.
A partir de ces nouvelles données, l’objectif serait de développer de nouveaux répulsifs qui fonctionnent de la même manière, c’est-à-dire en masquant l’odeur humaine vis-à-vis des moustiques Aedes également, qui peuvent transmettre le virus Zika ou la dengue…
Source: Current Biology Oct. 17, 2019 DOI:https://doi.org/10.1016/j.cub.2019.09.007 Commonly Used Insect Repellents Hide Human Odors from Anopheles Mosquitoes
*Parasites & Vectors 2015 Evaluation of the toxicity and repellence of an organic fatty acids mixture (C8910) against insecticide susceptible and resistant strains of the major malaria vector Anopheles funestus Giles (Diptera: Culicidae)
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