Cette étude de l’Université de Virginie et de l’Institut Max Planck identifie ici une pièce du puzzle complexe du développement du comportement humain entre « nature » et « nurture ». La recherche décrypte le système d'ocytocine endogène humain, connu pour son rôle dans la socialité. Les chercheurs montrent, dans la revue Science Advances que ce système est sensible à son environnement précoce avec des changements épigénétiques possibles : le comportement de la mère a ainsi un impact considérable sur le système d'ocytocine en développement de l’enfant.
Des études récentes menées chez l’animal, suggèrent que les soins parentaux précoces sont associés à des modifications de la méthylation de l'ADN de sites régulateurs du gène du récepteur de l'ocytocine (OXTRm). L'ocytocine est une hormone extrêmement importante, impliquée dans les interactions sociales et le lien social chez les mammifères, dont l'Homme. L’hormone « nous aide » à communiquer avec les autres, renforce la confiance et la proximité dans les relations et peut être déclenchée par un contact visuel, une empathie ou un toucher agréable. L’influence des niveaux d'oxytocine d'une jeune mère sur son comportement et sur le lien qu'elle établit avec son bébé est déjà bien documentée. Ces travaux suggèrent que le comportement de la mère peut également avoir un impact considérable sur ce même système chez son enfant.
Le comportement de la mère avec l'enfant influe sur le futur comportement social de l’enfant
L'enfance est une phase dynamique et malléable du développement postnatal. De nombreux systèmes corporels se développent et arrivent à maturation établissant souvent les trajectoires psychologiques et comportementales qui seront celles de l'âge adulte. Si la nature joue un rôle évident en nous façonnant à travers nos gènes, nous sommes aussi fortement influencés par nos interactions, avec d’autres personnes et avec notre environnement, rappellent les auteurs. « Il est bien connu que l'ocytocine est activement impliquée dans les processus sociaux, de perception et cognitifs précoces et qu'elle influence les comportements sociaux complexes ». Le comportement de la mère est ici confirmé comme l'un de ces facteurs déterminants du développement du système d'ocytocine de l'enfant.
L’influence de l’interaction mère-enfant décryptée par l’analyse de salive : l’analyse d’échantillons de salive chez la mère et le nourrisson après une interaction sous forme de jeu entre des mères et leurs enfants âgés de 5 mois puis un an plus tard, lorsque l'enfant avait 18 mois, montre que l’expression du récepteur de l'ocytocine est accrue chez les enfants de mères particulièrement impliquées auprès de leurs bébés. Or ce récepteur est essentiel pour que l'hormone ocytocine exerce ses effets, précise Kathleen Krol, stagiaire postdoctorale à l'Université de Virginie : « Nous montrons que des changements épigénétiques se sont produits dans l'ADN du bébé et que ces modifications épigénétiques sont associées à la qualité de la participation de la mère à la séance de jeu ».
Les niveaux de méthylation de l'ADN reflètent également le tempérament du nourrisson, tel que rapporté ensuite par les parents. Les enfants présentant des taux de méthylation plus élevés à 18 mois et des taux plus faibles de récepteurs de l'ocytocine sont aussi ceux décrits comme les moins « équilibrés ».
Cette étude fournit un exemple frappant de cette interaction délicate entre nos gènes et nos expériences. Les interactions sociales précoces avec nos parents et nos soignants influent considérablement sur notre développement biologique et psychologique par le biais de modifications épigénétiques. Ces résultats confirment l’importance du rôle parental dans la promotion de la santé et des aptitudes sociales des prochaines générations.
Source: Science Advances (Visuel) 16 Oct 2019 DOI: 10.1126/sciadv.aay0680 Epigenetic dynamics in infancy and the impact of maternal engagement
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