Cette étude menée auprès d’anciens combattants, victimes de stress post-traumatique (SSPT) et atteints pour certains de cirrhose associe la présence anormale de certaines bactéries dans les intestins à de mauvaises performances cognitives. Ces données, présentées dans l'American Journal of Physiology qui apportent à la preuve d’un axe intestin-cerveau de mieux en mieux documenté suggèrent de cibler le microbiote pour atténuer les symptômes cognitifs et psychiques chez ces patients déjà fragilisés.
L'auteur principal, le Dr Jasmohan Bajaj, médecin-chercheur au centre médical McGuire Veterans Affairs et à la Virginia Commonwealth University de Richmond, soutient que ces données apportent un espoir précisément aux patients atteints de stress post-traumatique et de cirrhose, une combinaison de conditions souvent rencontrée chez les anciens combattants. Au-delà, réguler le microbiote apparaît à nouveau comme une option thérapeutique prometteuse pour améliorer la réponse aux traitements actuels du SSPT mais aussi d'autres troubles mentaux : « Cibler le microbiote intestinal pourrait constituer un moyen efficace de s'attaquer à la modification de l'axe intestin-cerveau chez ces patients et d'améliorer leur fonction cognitive, ainsi que d'autres paramètres de leur santé mentale ».
SSPT et cirrhose : le microbiote associé à la capacité cognitive
La cirrhose est une maladie répandue chez les anciens combattants atteints de SSPT. Les causes les plus courantes sont l’alcoolisme, l’obésité et l’hépatite C. Certains patients atteints de cirrhose développent une complication appelée encéphalopathie hépatique, qui affecte également le fonctionnement du cerveau. Ils deviennent mentalement lents et confus, et dans les cas les plus sévères, peuvent même perdre conscience. Les chercheurs soulignent la fréquence de
Le SSPT entraîne des effets néfastes déjà bien documentés sur la cognition. Y compris lorsque les patients prennent des médicaments, tels que des antidépresseurs ou des sédatifs.
Le microbiote intestinal est configuré de manière anormale dans ces 2 conditions. Les chercheurs ont donc cherché à identifier les profils du microbiote spécifiques à la cirrhose et au SSPT. L’analyse d’échantillons de selles chez 93 patients atteints de cirrhose, dont environ un tiers présentaient un SSPT ainsi qu’une série de tests cognitifs portant sur le temps de réaction, la capacité visuospatiale, la mémoire et la capacité de résolution de problèmes montrent que :
- vs le groupe exempt de SSPT, les performances cognitives des participants atteints de SSPT sont plus médiocres ;
- les participants atteints de SSPT ont un microbiote moins diversifié, soit moins de types différents de bactéries en général et cela, quels que soient la sévérité de la cirrhose, les épisodes précédents d'encéphalopathie hépatique, leur consommation d'alcool et la prise de médicaments psychotropes. L’analyse montre une plus grande quantité de types de bactéries nocives, telles que Enterococcus et Escherichia / Shigella, et moins de bactéries bénéfiques, telles que Lachnospiraceae et Ruminococcaceae ;
- des niveaux plus élevés d'entérocoques s’avèrent associés à une performance cognitive réduite ;
- des niveaux plus élevés de bactéries Ruminococcaceae, entre autres, sont associés à de meilleures performances. Ces bactéries Ruminococcaceae sont habituellement plus présentes dans les intestins en bonne santé. Elles participent à la décomposition des glucides complexes, tels que ceux contenus dans les céréales complètes et les légumineuses non transformées. Les personnes ayant un régime alimentaire plus sain ont donc également tendance à avoir un nombre plus élevé de ces bactéries ;
- ces mêmes bactéries se révèlent plus rares chez les personnes souffrant de dépression.
Les médicaments psychiatriques affectent-ils le microbiote et donc les performances cognitives ? L'étude révèle que les participants atteints de SSPT présentent des profils intestinaux similaires, quel que soit leur traitement médicamenteux, ce qui suggère que l’altération du microbiome intestinal est plutôt liée au SSPT lui-même, indépendamment du médicament.
Les traumatismes, notamment ceux subis au combat, causes du SSPT sont-ils les déclencheurs de ces changements bactériens ou ces changements sont-ils une conséquence du SSPT ? Les auteurs ne savent pas répondre à cette question mais proposent de suivre encore leurs participants sur une longue durée, en effectuant périodiquement des analyses du microbiote.
Rétablir le microbiote intestinal apparaît néanmoins une voie prometteuse pour atténuer les symptômes du SSPT en particulier en cas de cirrhose. « D’autres recherches seront nécessaires pour valider ce principe et évaluer comment des traitements permettant de rééquilibrer le microbiote intestinal peuvent aider ces patients ». Il faudra également préciser quels types de bactéries et quels probiotiques sont les plus bénéfiques.
La transplantation ou greffe de microbiote fécal devra également être étudiée comme option thérapeutique possible, concluent les auteurs..
Source : American Journal of Physiology-Gastrointestinal and Liver Physiology 28 August, 2019 DOI : 10.1152/ajpgi.00194.2019 Post-Traumatic Stress Disorder is Associated with Altered Gut Microbiota that Modulates Cognitive Performance in Veterans with Cirrhosis
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