Cette équipe italienne appelle le gaspillage alimentaire « le gras de la planète ». Elle estime, pour la première fois, les coûts écologiques de la suralimentation ou « gaspillage alimentaire métabolique » et aboutit à la conclusion d’une empreinte écologique bien plus importante que celle de la nourriture gaspillée. Ces données, présentées dans la revue Frontiers in Nutrition, nous délivrent un message simple : « Trop manger est mauvais pour la santé de notre planète et pas seulement pour notre santé ».
Le gaspillage alimentaire dans les pays riches est tout simplement choquant alors que les populations meurent de faim en Afrique : l'ONU estime ainsi que les pays riches jettent presque autant de nourriture que la totalité de la production nette de l'Afrique subsaharienne, soit environ 230 millions de tonnes par an.
Le gaspillage direct d’aliments n’est que la pointe de l’iceberg
Cette équipe italienne propose un moyen de mesurer l'impact écologique du gaspillage alimentaire mondial lié à cette consommation excessive : elle estime
- le surpoids (ou le poids corporel en excès) au niveau de la population de chaque pays, en prenant comme base les données relatives d'IMC et de taille
- puis son équivalent énergétique réparti entre les différents groupes d'aliments en fonction des disponibilités nationales.
L’analyse aboutit à la conclusion suivante : l’excès de poids corporel correspond à environ 140 milliards de tonnes de déchets alimentaires dans le monde. L’auteur principal, le Pr Mauro Serafini, de l'Université de Teramo précise que ce chiffre représente un instantané des excès alimentaires accumulés par la population mondiale actuelle.
Le gaspillage alimentaire associé à la suralimentation ou au surpoids mondial est plus de 100 fois plus élevé que le gaspillage alimentaire direct annuel actuel, estimé à 1,3 milliard de tonnes. Mais cela ne s’arrête pas là : cet impact disproportionné ici nommé « déchet alimentaire métabolique » s'accentue lorsque l’on estime ses coûts écologiques, en utilisant les consommations d’énergie au kilo liée à la production et au cycle de vie des aliments. Les fruits, les légumes, les racines et les tubercules sont les aliments à taux de perte directe les plus élevés, mais la consommation excessive d'énergie est dominée par des aliments plus denses en calories, comme la viande par exemple. Ces aliments « plus denses » impliquent généralement davantage de terres, d’eau et de gaz à effet de serre.
La croissance des déchets alimentaires métaboliques dans le monde devrait générer l'équivalent de 240 milliards de tonnes de CO2. C’est à peu près ce que l’humanité a libéré en brûlant des combustibles fossiles au cours de ces 7 dernières années. Notamment l'Union européenne, l'Amérique du Nord et l'Océanie contribuent ensemble à cette estimation autant que le reste du monde. Enfin, la viande, les œufs et les produits laitiers représentant 75% de cette empreinte écologique. Les chiffres globaux relatifs à la terre et à l'eau sont plus difficiles à interpréter, car ils ne tiennent pas compte du temps nécessaire à la terre pour produire différents aliments ou de la redistribution de l'eau, qui n'est pas perdue en soi pour l'agriculture. Il reste beaucoup à faire pour affiner ces approches aux plans méthodologiques et conceptuels, écrivent les chercheurs. Les calculs ne prennent pas en compte non plus la manière dont l'excès de poids évolue avec le temps ou le surpoids qui disparaîtrait si l'activité physique était augmentée à des niveaux plus sains.
Cette première estimation de l’empreinte écologique des « déchets alimentaires métaboliques », c’est-à-dire liés au surpoids et à l’obésité sont donc monstrueusement élevés. Comme le souligne le dernier rapport sur l’utilisation des sols du GIEC, la surconsommation de produits d’animaux d’élevage par les Occidentaux en est probablement le principal facteur.
Source: Frontiers in Nutrition 23 August 2019 DOI : 10.3389/fnut.2019.00126 Metabolic Food Waste and Ecological Impact of Obesity in FAO World's Region
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