Cette étude d’une équipe de l’Université de Sherbrooke (Canada), à paraître dans la revue HeartRhythm, établit pour la première fois un lien entre l'exposition fœtale à la nicotine et le syndrome de mort subite du nourrisson : l'exposition in utero à la nicotine entraine des effets postnatals sur le développement du cœur et sur sa réponse à l'adrénaline. Une exposition qui pourrait également contribuer à expliquer pourquoi certains bébés ne se réveillent pas au cours d’une apnée du sommeil.
L'exposition fœtale à la fumée de tabac in utero est associée au syndrome de mort subite du nourrisson (SMSN) et à des arythmies cardiaques chez le nouveau-né. C’est ce que démontre cette étude chez le lapin, qui apporte la première preuve établissant un lien entre l'exposition fœtale à la nicotine et des modifications à long terme du courant de sodium cardiaque. Des changements qui peuvent nuire à l'adaptation du courant de sodium cardiaque au tonus sympathique et empêcher le réveil de l'apnée du sommeil, entraînant des arythmies responsables du SMSN.
Le SMSN reste la principale cause de décès au cours de la première année de vie. L'exposition in utero à la fumée du tabac reste le facteur de risque le plus élevé et dûment constaté dans 85% des cas. Or, parmi tous les composés toxiques présents dans la fumée, seule la nicotine est associée à des arythmies cardiaques chez le nouveau-né. Les cliniciens prescrivent souvent des thérapies de substitution nicotinique aux femmes enceintes souhaitant arrêter de fumer afin de réduire le risque de SMSN, explique l’auteur principal, Robert Dumaine du Département de pharmacologie et de physiologie de l’Université de Sherbrooke- Canada.
La nicotine seule est suffisante pour modifier les courants électriques dans le cœur et générer des arythmies entraînant la mort du bébé : dans l'utérus, le fœtus ne peut pas respirer seul et son cœur réagit à une réduction de l'oxygène en ralentissant le rythme de battement et son métabolisme afin de préserver l'énergie. Cette adaptation fœtale est appelée « réflexe du plongeur ». D'autre part, lorsqu'un bébé étouffe pendant son sommeil, le cerveau détecte la réduction de l'oxygène dans le sang et déclenche la sécrétion d'adrénaline (épinéphrine) afin d'accélérer le rythme cardiaque. Une fois que le rythme cardiaque s'accélère, en partie à cause de l'excitabilité accrue (courant de sodium) dans le cœur, le bébé se réveille. Ce « réflexe de réanimation » semble être absent chez les bébés atteints de SMSN. Au lieu de cela, ces nourrissons affichent un ralentissement de la fréquence cardiaque en cas de manque d'oxygène, comme si leur développement cardiaque postnatal avait été retardé et était toujours à l'état fœtal.
Une preuve directe que l’exposition in utero à la nicotine entraine ces effets postnatals sur le développement du cœur et sa réponse à l'adrénaline : les chercheurs ont mesuré l’effet de la nicotine sur la réponse du courant de sodium cardiaque (INa) à la stimulation adrénergique dans des cardiomyocytes isolés chez le lapin. Les résultats montrent que l'isoprotérénol, un analogue de l'épinéphrine (adrénaline) et un agoniste bêta-adrénergique puissant, augmente l'INa de 50% chez les lapins nouveau-nés du groupe témoin, mais n’entraine aucun effet chez les lapins nouveau-nés exposés à la nicotine in utero. L'exposition à la nicotine de ces fœtus a réduit la réponse de leur cœur à l'adrénaline après la naissance. Plus spécifiquement, le courant électrique cardiaque transporté par le sodium et responsable de l'excitabilité dans le cœur ne répond plus à l'adrénaline.
Par conséquent, la nicotine ralentit l'accélération de la fréquence cardiaque lorsque de l'adrénaline est libérée au début d’un épisode d’apnée du sommeil et ce mécanisme peut conduire au SMSN.
Source: HeartRhythm March 2019 (In Press) via Eurekalert (AAAS) 28-Mar-2019 Novel study links fetal exposure to nicotine and sudden infant death syndrome
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