Cette équipe de l'Université de Pennsylvanie et de l’Université du Michigan s’est penchée sur les effets positifs ou néfastes de la série bien connue de Netflix, « 13 Reasons Why » (saison 2), l'une des séries sur le suicide les plus regardées et les plus discutées. Si la série soulève des critiques sur le risque de « contagion » découlant de cette description du suicide d'une élève du secondaire, au global, les jeunes spectateurs de la saison 2 ont développé une empathie pour leurs proches au comportement suicidaire et ont déclaré moins de blessures auto-infligées que ceux qui n'ont pas regardé la série.
Le suicide est la deuxième cause de décès chez les 15 à 29 ans. Il a été démontré que les représentations de suicide dans les médias avaient à la fois des effets utiles et des effets néfastes. Les fictions impliquant le suicide peuvent favoriser voire provoquer le suicide chez leurs spectateurs, en particulier lorsqu'elles montrent explicitement des méthodes de suicide. Cet effet est nommé « l’effet Werther » ou de suicide mimétique, en référence au roman de Goethe. En revanche, les reportages sur des personnes ayant surmonté une crise suicidaire ont un impact plutôt positif, documenté sous le nom « d'effet Papageno », d'après « La flûte enchantée de Mozart ».
«13 Reasons Why », un effet « Werther » ou « Papageno » ? Après la publication de la saison 1, de nombreux médecins s’étaient inquiété de voir de nombreux jeunes dresser leur liste de «13 Reasons Why » pour lesquelles ils voulaient se tuer. Un hôpital avait vu augmenter le nombre d'admissions de jeunes présentant un comportement suicidaire. Cependant 2 études menées après la sortie de la série ont révélé des effets bénéfiques. Compte tenu du sujet sensible, de la popularité de la série et de la possibilité qu’elle entraine des effets néfastes chez certains adolescents, les chercheurs du Annenberg Public Policy Center de l'Université de Pennsylvanie et de 3 autres institutions ont mené une étude visant à mieux comprendre les effets de la série.
Une enquête auprès de 800 jeunes téléspectateurs : l’équipe a donc mené une enquête menée auprès de jeunes adultes américains, âgés de 18 à 29 ans, avant et après la sortie de la saison 2, en mai 2018. 779 jeunes âgés de 18 à 29 ans ayant accès à Netflix ont répondu au sondage sur Internet. 82% étaient des femmes peut-être parce que « 13 Reasons Why » impliquait un personnage principal féminin. L’analyse des résultats de l’enquête conclut que :
- les téléspectateurs qui ont arrêté en cours, à mi-parcours, la saison 2 signalent un risque accru de suicide et une réduction de l’optimisme quant à leur avenir vs ceux qui ont regardé toute la saison ou ne l'ont pas regardée du tout ;
- les étudiants, soit près de 60% de l'échantillon, présentent un risque de suicide généralement plus élevé et parmi les téléspectateurs qui ont cessé de regarder la série à mi-parcours, les étudiants s’avèrent nettement plus exposés au risque de suicide vs non-étudiants ;
- l’effet semble bénéfique sur les étudiants qui ont regardé l’ensemble de la saison 2: ils apparaissent moins enclins à signaler des actes d'automutilation récents et des pensées suicidaires vs leurs homologues qui n’ont jamais vu la série ;
- les téléspectateurs en général se déclarent plus susceptibles d'exprimer leur souhait d’aider, le cas échéant, une personne suicidaire, surtout vs ceux qui se sont arrêté de regarder en cours ;
- les avertissements de Netflix sur le contenu pouvant être perturbant de la série semblent principalement augmenter l’audience mais ne semblent pas empêcher les plus vulnérables de regarder la saison.
Ainsi, les conclusions sont plutôt mitigées en fonction « du mode de consommation » de la série, en totalité ou partiellement, un visionnage partiel de la saison 2 s’avérant associé à des effets néfastes mais un visionnage dans la totalité aboutissant à plus d’empathie envers les proches ayant des comportements suicidaires et à une réduction des de blessures auto-infligées.
« 13 Reasons Why » apparait particulièrement bouleversant pour certains jeunes plus sensibles qui présentaient déjà un risque de suicide plus élevé, écrivent les chercheurs : « nous avons émis l'hypothèse que le fait de ne regarder qu'une partie de la série pouvait être un indicateur de détresse conduisant ces téléspectateurs à cesser de s'exposer au contenu bouleversant ». Les résultats de l’enquête soutiennent en effet cette hypothèse concluant que ceux qui n’ont regardé qu’une partie de la saison 2 présentent cette augmentation du risque de suicide, en particulier lorsqu’ils sont étudiants.
« 13 Reasons Why » apparait bénéfique pour ceux qui « dépassent » leurs pensées suicidaires en regardant, en dépit de leur émotion, l’ensemble de la série : « une des explications de cette découverte bénéfique est que les personnes à risque élevé qui persistent jusqu'au bout se montrent capables finalement de comprendre les défis auxquels sont confrontés les personnages principaux et d’en tirer une leçon pour leur propre vie ».
Mais, e dépit de cet effet bénéfique pour certains jeunes vulnérables, les auteurs reconnaissent que le risque d’effets contagieux possibles est à prendre en compte avant tout. Alors que la série « peut nuire à certains… et peut en aider d'autres », il s’agit tout de même de mieux protéger les jeunes les plus sensibles.
Au-delà, ces résultats apportent « la preuve la plus solide à ce jour » que de telles séries, autour du suicide, ont des effets contraires selon les individus, « ce qui est rarement pris en compte dans la littérature sur les médias et le suicide ».
Source: Social Science & Medicine 25 April 2019 DOI : 10.1016/j.socscimed.2019.04.007 Investigating harmful and helpful effects of watching season 2 of 13 Reasons Why: Results of a two-wave U.S. panel survey (Visuel 1 Netflix, Visuel 2 Annenberg Public Policy Centre)
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