Zoom sur un mécanisme salvateur du placenta en cas de régime alimentaire pauvre ou de manque d'oxygène pendant la grossesse, avec cette étude du St John's College, Université de Cambridge, présentée dans les Actes de l’Académie des Sciences américaine (PNAS). Les chercheurs décryptent comment le placenta régule la quantité d'oxygène et de nutriments qu'il transporte vers les bébés durant les grossesses difficiles.
Le placenta est l'organe le moins compris et il est évidemment complexe à étudier chez les femmes enceintes. Mais sa capacité à fonctionner correctement est vitale, car elle a un impact sur l'issue de la grossesse et la santé à vie de la mère et de l'enfant. Le placenta se développe pendant la grossesse et relie le bébé en développement à la mère. Il sert de poumons, de reins, d'intestin et de foie pour les bébés en croissance et transporte de l'oxygène et des nutriments au fœtus tout en sécrétant des hormones et en éliminant les déchets.
Cette étude utilise des souris pour modéliser les conditions dans l'utérus et se concentre sur l'analyse de petites parties des cellules du placenta, les mitochondries, ces centrales énergétiques présentes dans la plupart des cellules du corps qui utilisent l'oxygène pour convertir les sucres et les graisses en énergie. L’auteur principal, le Dr Sferruzzi-Perri et son équipe ont donc regardé comment les mitochondries du placenta adaptent leur activité pour répondre aux besoins du placenta et du fœtus en croissance rapide pendant une grossesse saine mais également quand la mère doit faire face à des conditions de grossesse plus difficiles.
La recherche constate que, dans le placenta, les mitochondries ont une capacité remarquable à s'adapter et à compenser les impacts environnementaux, en cas par exemple de grossesse à haute altitude et donc avec des niveaux d’oxygène réduits; ou encore lorsque les femmes enceintes ne s’alimentent pas suffisamment. Plus couramment, les modes de vie changeants dans nos sociétés modernes contraignent un grand nombre de femmes à consommer des régimes alimentaires déficients sur le plan nutritionnel, y compris pendant la grossesse, ce qui pourrait entraîner des complications. Sur un autre plan, celui de la restriction en oxygène, on estime qu'environ 2% de la population humaine, soit 140 millions de personnes, vivent dans des zones à faible taux.
Les complications possibles : dans ces conditions plus difficiles, le placenta ne fonctionne pas toujours correctement et ce dysfonctionnement peut entraîner une fausse couche, une prééclampsie et une restriction de la croissance fœtale. Environ 10% des bébés naissent avec un retard de croissance ce qui peut entraîner des problèmes de santé plus tard dans la vie. Le retard de croissance fœtale est un marqueur important de problèmes possibles chez le bébé, avec, notamment un risque de mortinaissance ou de mortinatalité ou encore de paralysie cérébrale, de troubles du comportement et du développement, de troubles neurologiques et de maladies chroniques dont la maladie cardiaque, l’obésité et le diabète.
Mais face à ces défis, le placenta compense, « dans la plupart des cas » : l’équipe a soumis à ces défis – connus sous le nom de conditions hypoxiques – en laboratoire des souris gravides, dont le placenta se développe et fonctionne de manière similaire à l'homme, et a examiné la réaction du placenta et de ses mitochondries, ainsi que les conséquences sur la croissance du fœtus. Alors que les mitochondries dans le placenta déterminent comment utiliser l'oxygène et les nutriments de la manière la plus efficace qui soit, il parvient généralement à compenser, même en cas de grossesse difficile. Mais lorsque le placenta ne peut pas compenser, alors les complications surviennent et cela se manifeste généralement par un retard de croissance.
« Restriction de croissance fœtale » signifie mécanisme de tampon du placenta insuffisant pendant la grossesse : certaines conditions difficiles de la grossesse laissent alors un impact durable sur la santé des bébés, qui naissent avec un retard de croissance et donc des organes et des tissus tels que le cœur, le pancréas, les muscles et le foie très sensibles et bien plus vulnérables.
Quelles sont les conditions pour qu'un placenta en bonne santé remplisse ses fonctions vitales pendant la grossesse ? L’étude montre que les mitochondries jouent un rôle déterminant et vital pour maintenir, même dans un environnement néfaste, la fonction placentaire, dont son rôle de soutien à la croissance fœtale.
La prochaine étape de la recherche va donc consister à tenter de cibler les mitochondries dans le placenta pour modifier leur fonction et optimiser les chances le succès de la grossesse chez les femmes à risque de mauvais résultats.
Le développement de tests permettant de déterminer si le placenta fonctionne correctement et de traitements permettant de restaurer la fonction placentaire est donc une voie prometteuse de prévention pour assurer une grossesse en bonne santé.
Source: PNAS 17 Jan, 2019 DOI : 2019/01/16/1816056116 Placental mitochondria adapt developmentally and in response to hypoxia to support fetal growth
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