De nombreuses compétences reposent sur des calculs mentaux effectués à partir de données sensorielles « bruyantes ». Ces travaux d’une équipe du Massachusetts Institute of Technology (MIT) contribuent à expliquer comment le cerveau tente de compenser ses limites dans des tâches nécessitant une conversion compliquée de données. L’étude, présentée dans Nature Communications, révèle que le cerveau, comme dans d'autres types de situations où il a peu confiance en ses propres jugements, va surmonter ses difficultés en pondérant les différentes données et en s'appuyant sur de précédentes expériences.
L’exemple donné d’une tâche mentale complexe reposant sur une conversion de données elle-même complexe est l’exercice qui consisterait à écrire son nom de telle manière qu’il puisse être lu dans un miroir. Le cerveau possède toutes les informations visuelles dont il a besoin et chacun sait écrire son nom. Cependant, cette tâche est très difficile pour la plupart d’entre nous car le cerveau doit effectuer une conversion mentale qui ne lui est pas familière : utiliser ce qu'il voit dans le miroir pour guider la main avec suffisamment de précision pour qu’elle écrive à l’envers.
Le fait d'effectuer des transformations mentales de l'information (ou conversion de données) induit une variabilité : les chercheurs ont entrepris d’explorer ce type de conversion mentale dans leur étude : les participants ont été invités à effectuer 3 tâches différentes avec des degrés différents de transformation mentale requise. L’expérience montre que dans le cas d’une tâche nécessitant une conversion de données difficile, les participants optimisent leur performance en utilisant les mêmes stratégies que celles utilisées pour vaincre le bruit dans la perception sensorielle. Par exemple, dans une tâche de traçage de lignes, dans laquelle les participants doivent tracer des lignes de 7,5 à 15 centimètres, en fonction de la longueur de la ligne d'origine, les participants ont tendance à dessiner des lignes de longueur plus proche de la longueur moyenne de toutes les lignes. Cela leur permet d’avoir des traçages plus précis.
Le cerveau interprète les données : Les neuroscientifiques savent depuis de nombreuses années que le cerveau ne reproduit pas fidèlement « ce que les yeux voient ou ce que les oreilles entendent ». Il doit gérer un « bruit de fond » lié aux fluctuations aléatoires de l'activité électrique dans le cerveau. Ce bruit de fond peut provenir d'une incertitude ou d'une ambiguïté sur ce que nous voyons ou entendons. Cette incertitude entre également en jeu dans les interactions sociales, lorsque nous essayons d'interpréter les motivations d'autres personnes ou lorsque nous nous souvenons de souvenirs d'événements passés. De précédentes recherches ont révélé les multiples stratégies qui aident le cerveau à compenser cette incertitude. À l'aide d'un cadre appelé « intégration bayésienne » ou modèle basé sur les probabilités, le cerveau combine plusieurs données pouvant être conflictuelles et les pondère en fonction de leur fiabilité. Si ces données proviennent de 2 sources différentes, il s’appuiera davantage sur celle qui semble la plus crédible. Mais ce n’est pas tout : dans ce modèle, le cerveau prend également en compte ses expériences passées. L’exemple est donné de la recherche d’un interrupteur la nuit, qui s’appuie sur l'expérience passée de la localisation de l’interrupteur en question.
Le cerveau se « rappelle » les expériences passées : une tâche complexe qui nécessite une transformation mentale plus difficile et crée donc pour le cerveau un surcroît d'incertitude et de variabilité induit le cerveau à se reposer sur ses expériences passées : « vous faites preuve de partialité envers ce que vous savez bien faire, afin de compenser cette variabilité », commente l’auteur principal, Mehrdad Jazayeri, professeur de sciences de la vie et membre de l'Institut de recherche sur le cerveau McGovern du MIT. Cette stratégie de rappel des expériences passées améliore réellement les performances globales.
Fiabilité de la source et enseignements des expériences passées, ces 2 stratégies semblent fonctionner ensemble pour parfaire l’adaptation du cerveau en faveur d’un résultat particulier. Cette adaptation en forme de régression vers la moyenne contribue à améliorer notre performance globale en réduisant la variabilité et l’incertitude. Les chercheurs font alors l’hypothèse que, lorsque l’on devient très performant dans une tâche qui nécessite des calculs complexes, le bruit de fond se réduit et devient moins préjudiciable à la performance globale.
Le cerveau fait alors davantage confiance à ses propres calculs et cesse de se rapprocher « des moyennes ».
Source : Nature Communications 24 October 2018 Late Bayesian inference in mental transformations
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