L’usage du cannabis à des fins médicales est aujourd’hui légal dans plus de 30 États des Etats-Unis. Mieux comprendre et caractériser l'impact du cannabis et des cannabinoïdes sur différentes voies de la réactivité à la douleur peut contribuer à expliquer la croyance que le cannabis soulage la douleur et étayer les preuves d’efficacité. « Mais nous avons encore beaucoup à apprendre », conclut cette équipe de l’Université de Syracuse dans le JAMA Psychiatry qui suggère ici que si les cannabinoïdes ne réduisent pas l'intensité de la douleur, ils permettent de la rendre moins désagréable et plus tolérable.
Cette publication coïncide avec le « Mois de la sensibilisation à la douleur » et constitue la toute première revue systématique de la recherche expérimentale sur les effets du cannabis sur la douleur. Les cannabinoïdes sont des composés chimiques qui confèrent à la plante de cannabis ses propriétés médicales et récréatives. L’auteur principal, Martin De Vita, candidat au doctorat en psychologie clinique, rappelle que le THC et le CBD (cannabidiol) sont les principaux cannabinoïdes. Lorsqu'il est ingéré, le THC se lie aux récepteurs du cerveau qui contrôlent le plaisir, la perception du temps et la douleur. Cette activité entraine la production de dopamine avec un effet d’euphorie ou de relaxation.
Cependant il reste à établir des preuves de meilleure qualité soutenant l'efficacité du cannabis dans le traitement de la douleur chronique. « Si les patients sont convaincus que le cannabis est efficace à soulager la douleur, ses propriétés analgésiques restent mal comprises », explique l’auteur principal, qui rappelle que jusque-là les études expérimentales, l'analgésie par les cannabinoïdes chez des adultes en bonne santé ont donné des résultats mitigés. C’est donc une très large revue de la littérature qui nous est proposée, avec plus de 1.830 études expérimentales portant sur le cannabis identifiées, menées en Amérique du Nord et en Europe sur une période de 40 ans. Puis la méta-analyse des 18 études sélectionnées portant sur 440 participants adultes. Le score moyen de qualité et de validité des études était élevé et les analyses n'ont pas suggéré de biais de publication. L’analyse constate que les médicaments cannabinoïdes sont associés à :
- des augmentations modestes du seuil et de la tolérance de la douleur,
- mais en revanche à aucune réduction de l'intensité de la douleur « en cours ».
Les cannabinoïdes permettent donc une diminution du désagrément des stimuli douloureux et mais n’entrainent aucune réduction mécanique de l'hyperalgésie.
Un effet affectif plutôt que sensoriel ? L'analgésie par les cannabinoïdes pourrait ainsi être liée à une composante affective plutôt qu’à une composante sensorielle. En tous cas, en ce qui concerne le THC. Car les études se sont principalement concentrées sur les variétés de THC, il est donc difficile de savoir si d'autres cannabinoïdes exercent des effets différents sur la douleur.
L’analyse s’étant limitée à la douleur expérimentale, c'est-à-dire induite en laboratoire, l’équipe va maintenant poursuivre ses recherches sur la douleur clinique, généralement associée à une maladie progressive non maligne et sur la douleur neuropathique, associée à une maladie ou des dommages au système nerveux, entraînant une lésion tissulaire (e.g. fibromyalgie).
Source: JAMA Psychiatry September 19, 2018 doi:10.1001/jamapsychiatry.2018.2503 Association of Cannabinoid Administration With Experimental Pain in Healthy Adults- A Systematic Review and Meta-analysis (Visuel JAMA Psychiatry)
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