Cette étude a porté plus précisément sur le microbiote intestinal, qui, chez les mammifères est aujourd'hui reconnu et documenté pour son rôle clé dans la santé de l'hôte. Cependant, l’origine de cette association « microbes et santé » au cours de l’évolution reste un mystère. Cette équipe de scientifiques de l’Université d’Okinawa nous propose, dans la revue Nature Communications, un voyage au fond de nos entrailles et décrit la façon dont elles ont évolué pour se défendre contre les attaques microbiennes et vivre en bonne intelligence avec leurs microbes.
Chez la souris comme chez l'homme, l'intestin est recouvert d'une couche de mucus et les auteurs suggèrent qu’il en est de même chez d'autres mammifères. Mais ce type de « revêtement » est un nouveau développement, évolutivement parlant : la plupart des invertébrés protègent leurs parois intestinales avec une membrane en chitine, qui agit comme une barrière contre les microbes et aide à prévenir l'infection. Ici, l’équipe dirigée par le Dr Keisuke Nakashima de l'Unité de génomique marine d’Okinawa
Chitine ou mucus ? La chitine est une matière biologique abondante produite par une grande variété d'organismes. De la carapace du crabe aux parois cellulaires des champignons, la chitine est la deuxième substance plus abondante après la cellulose. C’est un « matériau de construction polyvalent pour la nature ». La chitine se trouve notamment dans la muqueuse intestinale des invertébrés, où elle agit comme une barrière de défense contre les microbes dangereux. Cependant, curieusement, la plupart des vertébrés ne partagent pas cet intestin « garni » de chitine mais leur intestin se protèget avec une couche de mucus que les bactéries peuvent coloniser mais ne pénètrent pas.
Un exemple d’animal présentant à la fois de la chitine et du mucus dans son intestin : l’exemple des tuniciers, des animaux simples vivant dans l'eau de mer, nous est donné. Bien qu’ils n’aient pas de colonne vertébrale, ils sont étroitement apparentés aux vertébrés, avec un arrière-plan génomique similaire qui en font des modèles idéaux pour étudier leur évolution. Avec un caractère unique de leur intestin : les tuniciers possèdent un type intermédiaire « d’intestin » qui pourrait permettre de mieux comprendre le lien évolutif de la chitine au mucus. Leur intestin rudimentaire est recouvert d’une barrière de fibres nanoscopiques fabriquées presque entièrement de chitine, mais incorporé dans une matrice de surface qui se trouve être un composant majeur de la mucine gélifiante, un élément constitutif des couches muqueuses présentes dans l'intestin des mammifères. Et lorsque les scientifiques bloquent chez ces animaux la production de chitine, ils meurent, sauf lorsqu’ils sont traités par antibiotique. La couche de chitine exerce une fonction antimicrobienne, bloquant l'infection en empêchant physiquement les bactéries pathogènes et les autres microbes nocifs d'atteindre la surface de l'intestin. Mais la présence de mucus dans le même espace s’avère tout à fait similaire à celle de vertébrés plus complexes. La couche muqueuse apparaît comme une sorte de leurre sur laquelle peuvent se coloniser les microbes, afin d’épargner les fonctions cellulaires.
Cet animal, le tunicier, apparaît ici aux scientifiques comme le « chainon manquant » qui leur a permis de suivre l’évolution d’un modèle d’intestin à l’autre, en cartographiant les structures intestinales intermédiaires basées sur divers taux de chitine et de mucus.
C'est un regard sans précédent sur l'évolution de notre microbiote, l'une des structures corporelles les plus critiques qui nous a toujours protégés des microbes …
Source: Nature Communications 24 August 2018 Chitin-based barrier immunity and its loss predated mucus-colonization by indigenous gut microbiota
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