C’est la première étude à décrypter les propriétés physiques des cellules cancéreuses géantes et ses résultats pourraient éclairer de nouveaux traitements. Menée par une équipe de l’Université Brown (Rhode Island) et présentée dans les Scientific Reports, l’étude contribue à expliquer que telles des « tortues », ces cellules géantes polyploïdales (au milieu sur visuel avec noyaux bleus ) se déplacent plus lentement que les autres cellules cancéreuses, mais vont plus loin, permettant ainsi à la tumeur de se propager ou de métastaser.
Les cellules cancéreuses polyploïdales possèdent plus de deux copies de chaque chromosome et sont beaucoup plus grandes et plus rigides que la plupart des autres cellules cancéreuses. Ces cellules résistent à la chimiothérapie et aux radiothérapies et sont associées à la récidive. L’étude menée par des chercheurs de l'Université Brown est la première à révéler les propriétés physiques clés de ces cellules cancéreuses géantes, notamment leur capacité de se déplacer plus loin que les autres cellules cancéreuses. Pour l’auteur principal, le Dr Michelle Dawson, professeur de pharmacologie moléculaire, physiologie et biotechnologie à la Brown, « ces cellules cancéreuses géantes polyploïdales sont le chaînon manquant permettant d’expliquer pourquoi les tumeurs deviennent si complexes et hétérogènes si rapidement. En comprenant mieux les propriétés physiques de ce groupe de cellules, il sera possible de trouver le moyen de les éliminer ».
Plus grandes et plus résistantes : l’équipe analyse ici une souche commune du cancer du sein triple négatif, extrêmement agressive et constate que 2 à 5% des cellules de cette souche de cancer du sein sont des cellules cancéreuses géantes polyploïdales avec 4, 8 ou 16 copies de chaque chromosome, au lieu des 2 habituelles. Les cellules avec plus de chromosomes sont plus grandes. Après avoir traité les cellules cancéreuses du sein avec une chimiothérapie commune, l'équipe se retrouve avec 3 à 10 fois plus de cellules cancéreuses géantes. Cela suggère que les cellules géantes sont plus résistantes aux médicaments.
Plus rigides aussi : lorsque les chercheurs injectent des nanobilles fluorescentes dans les cellules cancéreuses, ils constatent que les billes se déplacent environ 2 fois plus lentement à l'intérieur des cellules géantes, suggérant que ces cellules sont bien plus rigides. C’est cette rigidité qui permet aux cellules géantes de devenir si grandes, expliquent les chercheurs.
Plus d’actine pour aller plus loin : la recherche montre que les cellules géantes contiennent plus d'actine, un biopolymère qui forme des structures de type câble à l'intérieur des cellules pour consolider leur forme et leur permettre de se déplacer. Lorsque les cellules cancéreuses se déplacent, elles peuvent ainsi se propager plus facilement ou se métastaser. Ainsi, ces cellules cancéreuses géantes se déplacent différemment des cellules cancéreuses classiques, plus lentement mais plus loin… Les chercheurs testent alors un médicament qui interfère avec l'actine et constatent qu'il « amollit » les cellules cancéreuses géantes, sans pour autant être un traitement envisageable chez les patients. Cependant, ce premier résultat engage à examiner les cellules cancéreuses géantes au niveau moléculaire pour développer un traitement ciblé.
De nombreuses données structurelles ressortent de ces travaux, qui permettent de mieux comprendre les différences entre les cellules cancéreuses avant et face à la chimiothérapie. Et bien que l'étude se soit concentrée sur les cellules cancéreuses géantes trouvées dans le cancer du sein triple négatif, ces cellules cancéreuses géantes existent dans d'autres types de cancer comme le cancer de l'ovaire et de la prostate.
Une meilleure connaissance de ces cellules qui enfreignent toutes les règles du cancer en particulier parce qu’elles « vont beaucoup plus loin », va permettre de développer « des traitements révolutionnaires pour les patients ».
Source: Scientific Reports 09 August 2018 Dysregulation in Actin Cytoskeletal Organization Drives Increased Stiffness and Migratory Persistence in Polyploidal Giant Cancer Cells (Visuel Michelle Dawson / Brown University)
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