Sans cette protéine essentielle au bon développement du cristallin, point de vision claire. Sans Celf1, les yeux vont développer la cataracte. En décryptant ce mécanisme et cette voie biologique, l’équipe de l'Université du Delaware ouvre, dans la revue PLoS Genetics de nouvelles perspectives importantes dans un domaine critique de la recherche sur l'œil et le traitement des cataractes, mais plus largement sur le rôle de ces protéines qui en « liant l’ARN » contrôlent certains facteurs de la division cellulaire.
Si vous souhaitez prendre des photos bien nettes, expliquent les chercheurs, n'utilisez pas de papier abrasif pour éliminer les traces de l'objectif de votre appareil photo. De même, si vous voulez avoir une vision claire, le cristallin ou la lentille de l’œil doit être libre de toute obstruction. Pourtant, un process surprenant se produit pendant le développement du cristallin de l’œil : certaines cellules du cristallin dégradent leur noyau et leur ADN au lieu de les protéger, et si ces « déchets » n’étaient pas éliminés, ils bloqueraient la vision par le développement de cataractes dès la naissance. Comment ces cellules éliminent ces déchets cellulaires sans endommager le bon développement du cristallin n’était pas compris jusqu’à cette nouvelle étude.
Mais comment une cellule peut-elle dégrader son propre noyau et son propre ADN sans se tuer ? L’équipe du biologiste Salil Lachke (Visuel) montre qu’une protéine, en particulier, Celf1 est essentielle à ce processus et ce faisant, décrypte ce mécanisme de développement du cristallin chez 3 vertébrés, les souris, les grenouilles et les poissons zèbres. La protéine Celf1 qui lie l'ARN s’avère la clé de ce processus : ses interactions moléculaires avec l'ARN spécifique dans le cristallin déclenchent des événements qui permettent de casser l'enveloppe du noyau et de dégrader l'ADN afin de permettre à la lumière d'atteindre correctement la rétine. Et lorsque Celf1 est absent ou déficient, il en résulte des troubles oculaires graves, donc des cataractes à la naissance. Celf1 est le facteur qui orchestre l'ensemble du processus.
Mieux comprendre les fonctions des protéines liant l'ARN : sur environ 1.500 protéines liant l'ARN, moins de 100 ont été corrélées directement à la maladie. Celf1 l’est aujourd’hui à une maladie de l'œil, la cataracte. Avec des implications en thérapie génique ophtalmiques pour tenter de corriger les mutations possibles chez les personnes atteintes de cataracte de naissance. Plus largement, ces travaux permettent aussi de mieux comprendre les fonctions des protéines liant l'ARN, en particulier dans le développement des organes. Alors que la plupart des études se concentrent sur les protéines de signalisation et de liaison à l'ADN qui sont importantes pour initier l'expression des gènes, le rôle des protéines liant l'ARN ne doit pas être négligé. Ces protéines déterminent la durée de vie de leur ARN cible ou si cet ARN doit être traduit en protéine. Il est donc essentiel d'étudier les protéines liant l'ARN et les processus moléculaires qu'elles contrôlent après l'activation d'un gène.
La recherche ouvre ainsi de nouvelles perspectives importantes dans un domaine critique de la recherche, celui des protéines liant l’ARN et de leur rôle clé dans le contrôle des facteurs qui régulent la division cellulaire. Ici, en biologie oculaire, les chercheurs montrent comment une telle protéine fait, chez les poissons, les amphibiens et les mammifères, le lien entre différents composants impliqués dans la division cellulaire et participe ainsi au contrôle de la différenciation et de la spécialisation cellulaire.
Et qui dit division cellulaire…ces données pourraient donc également avoir des implications importantes pour la recherche sur le cancer.
Source: PLoS Genetics March 22, 2018 DOI: 10.1371/journal.pgen.1007278 The RNA-binding protein Celf1 post-transcriptionally regulates p27Kip1 and Dnase2b to control fiber cell nuclear degradation in lens development
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