Cette étude multicentrique menée à l’aide de techniques de neuroimagerie chez plus de 3.800 volontaires, à la recherche d'altérations anatomiques spécifiques à chaque sous-type d'épilepsie, propose, pour la première fois, une classification plus précise de ces sous-types, avec leurs spécificités anatomiques et cérébrales. Cette très grande « enquête d’imagerie » sur l’épilepsie, présentée dans la revue Brain, permet de faire avancer la compréhension d’une maladie complexe, par le nombre de ses formes, de ses symptômes et de ses facteurs, selon les patients.
Les chercheurs de la Fondation d'Amparo à Pesquisa Estado de São Paulo (FASPEP) et de tout un consortium de recherche (ENIGMA pour Enhancing NeuroImaging Genetics) ont analysé par techniques de neuroimagerie le cerveau de plus de 3.800 volontaires de différents pays, à la recherche de marqueurs permettant de cibler le pronostic et le traitement. Car la fréquence des crises et la sévérité de l'épilepsie, ainsi que la réponse du patient à la pharmacothérapie, varient avec la zone du cerveau affectée et d'autres facteurs multiples, complexes, propres à chaque patient et globalement mal compris. On estime qu’environ un tiers des patients ne répondent pas bien aux traitements antiépileptiques et que ces patients « réfractaires » ont un risque plus élevé de troubles cognitifs et comportementaux au fil des ans.
L’étude a analysé les données de 2.149 patients atteints d'épilepsie et de 1.727 sujets témoins sains exempts de troubles neurologiques ou psychiatriques. Chaque centre était responsable de la collecte et de l'analyse des données de ses propres patients, qu’il devait envoyer au Centre de Génétique de l'Université de Californie du Sud qui a regroupé ces données puis effectué leur méta-analyse. Tous les participants ont passé des IRM mais selon un protocole spécifique pour obtenir au final des images en 3D. Cette analyse de données d’imagerie a permis d’identifier des altérations structurelles dans le cerveau des participants atteints d'épilepsie inconnues jusqu’alors. L’échantillon large de patients a également permis aux chercheurs de vérifier la fiabilité de ces données.
4 sous-groupes de patients pour 4 sous-types d’épilepsie : Les participants ont été répartis en 4 groupe, selon qu’ils présentaient :
- une épilepsie du lobe temporal mésiale avec sclérose hippocampique gauche,
- une épilepsie du lobe temporal mésiale avec sclérose hippocampique droite,
- une épilepsie généralisée idiopathique (génétique),
- divers sous-types moins communs de la maladie, formant le 4è groupe.
L'analyse portait à la fois sur les patients avec une histoire d’épilepsie sur des années et sur des patients récemment diagnostiqués.
L'identification de zones cérébrales atrophiées : la première analyse, menée sur l’ensemble des données des 4 groupes de patients vs témoins identifie, quel que soit le groupe, une atrophie dans les zones du cortex moteur et aussi dans certaines parties du lobe frontal. Cette constatation valable également donc en cas d'épilepsie généralisée génétique, montre, qu’il peut exister des altérations dans des zones autres que les zones « de crises ». Cela suggère que l'atteinte cérébrale est plus étendue qu'on ne le pensait.
Une atrophie plus étendue avec l’antériorité de la maladie : une plus grande proportion du cerveau apparaît en effet compromise chez les patients qui sont épileptiques depuis plus longtemps. « Cela renforce l'hypothèse selon laquelle plus de zones cérébrales s'atrophient et plus de troubles cognitifs surviennent à mesure que la maladie progresse », écrivent les chercheurs.
Des maladies différentes, des altérations spécifiques : l’analyse séparée de chaque groupe de patients montre pour chaque type d’épilepsie, des altérations spécifiques : ces altérations identifiées qui caractérisent chaque forme d’épilepsie constituent des marqueurs de diagnostic précieux. L’exemple est donné avec l'épilepsie du lobe temporal qui survient dans une zone spécifique du cerveau d’où son appellation de forme focale de la maladie, mais dont les effets ou altérations sont différents quand il s'agit de l'hémisphère gauche ou de l’hémisphère droit. « Ce sont des maladies différentes », soulignent les chercheurs : « Ces deux formes de la maladie ne sont pas de simples images en miroir. Lorsque l'hémisphère gauche est impliqué, les crises sont plus intenses et diffuses, on pensait que cela était lié au rôle de l'hémisphère gauche dans le langage, mais cela ne semble pas être la seule raison ». Autre exemple, dans le groupe épilepsie généralisée, les chercheurs identifient une atrophie dans le thalamus, une zone cérébrale centrale située au-dessus de l'hypothalamus et dans le cortex moteur. « Ces altérations subtiles sont observés chez les patients atteints d'épilepsie et non chez les témoins ».
Les implications sont bien évidemment multiples pour le diagnostic car ces travaux identifient bien des signatures plus ou moins spécifiques des différents sous-types épileptiques. Dorénavant, les cliniciens pourraient se concentrer sur les zones suspectes, corréler ces altérations avec les troubles cognitifs et comportementaux …
et traiter de manière plus personnalisée.
Sources:
FAPESP April 04, 2018 Neuroimaging techniques help identify brain alterations in patients with epilepsy
Brain 30 January 2018 DOI : 10.1093/brain/awx341 Structural brain abnormalities in the common epilepsies assessed in a worldwide ENIGMA study
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