Cette revue systématique des études axées sur les expériences en soins primaires et en santé communautaire décrit l’abandon ressenti par deux catégories spécifiques de patients et de soignants/aidants qui se sentent marginalisés par le système de santé : 2 groupes spécifiques d’usagers, les patients survivants d’AVC et leurs aidants naturels, qui déclarent ne pas avoir les compétences nécessaires pour accéder aux bons services de santé. Ce constat, documenté dans la revue PLOS ONE engage à développer les interventions d’information et d’éducation pour ces groupes de patients et de soignants, en particulier au cours de la première année qui suit l’AVC.
Aujourd’hui l'AVC est la deuxième cause de décès. Le fardeau des incapacités liées à l'AVC comportant l'utilisation des soins de santé, les soins informels et à la perte de productivité, est en augmentation de 12% dans le monde depuis 1990. Le coût annuel de l'AVC est estimé à 33 milliards de dollars pour les seuls États-Unis. Les soins primaires ont un rôle important à jouer dans la prise en charge des victimes d'AVC et de leurs aidants, en facilitant l'accès aux services communautaires et aux services spécialisés en cas de séquelles ou de complications. C’est également aux services de soins primaires et communautaires d’offrir une formation aux aidants et aux soignants sur la prise en charge de l’après-AVC et une éducation (ETP) aux patients. Cependant, le sentiment d'abandon, constaté par cette étude, démontre qu’il existe chez ces usagers des besoins importants non comblés.
Pour mieux comprendre ce sentiment d'abandon, une équipe de Soins primaires de Cambridge a mené une revue systématique de données qualitatives collectées sur le terrain. Au total, 51 études portant sur un total de 566 survivants d'AVC et de 593 aidants ont été consolidées. Leur analyse révèle :
- un besoin de soutien continu non comblé ;
- une frustration et une insatisfaction du suivi post-AVC de la part des médecins, personnels paramédicaux des services soins primaires et/ou de l'hôpital ;
- un sentiment général que « le survivant d’AVC » est un type de patients « oublié » voire « radié » du système de santé ;
- dans plus d'une étude sur 5, est également mis en avant le manque de soutien pour les aidants naturels, et même lorsque les aidants répondants sont bien conscients que les professionnels de santé doivent apporter la majorité des soins nécessaires ;
- les aidants se déclarent « mal préparés » et dans un besoin urgent et extrême de formation et d’information ;
- les survivants comme les aidants ont l'impression de n’avoir aucun soutien émotionnel, même s'ils sont à risque d'anxiété et de dépression ;
- les délais d'attente pour l'évaluation et la réadaptation sont décrits comme « très longs » ;
- l’aide des services sociaux « inexistante », ces services « laissant les patients dans le pétrin » ;
- l'accès à la réadaptation trop tardif et parfois dissuasif, au point que certains patients y renoncent ;
- 41% des études confirment l’insuffisance d'informations, y compris sur l’existence de services locaux et les conditions d’accès ;
- finalement, de nombreux patients, aidants et soignants finissent par s’informer directement sur Internet, mais regrettent de n’y trouver qu’une information partielle ne couvrant que certains des services.
- 23% des études mettent en évidence la fourniture d’informations erronées sur l'AVC, ses conséquences et la réadaptation ;
- de nombreux survivants, aidants et soignants avouent ressentir un sentiment de confusion, de peur et d'impuissance ;
- alors que les soignants, les aidants comme les survivants recherchent des informations spécifiques sur les symptômes post-AVC et sur la façon de les gérer, le manque d'information conduit un grand nombre d’entre eux à espérer un retour à la normale, avec dans le cas contraire, une déception et des tensions entre le survivant et le soignant.
Des survivants et leurs aidants « marginalisés » : l'étude révèle que de nombreux survivants d'AVC et soignants se sentent marginalisés en raison du décalage entre l'organisation de l’offre de soins primaires et les compétences des survivants et des soignants. Ainsi, pour avoir accès à ces services, les patients ont besoin de connaître l’offre disponible et de pouvoir communiquer efficacement avec les professionnels de santé concernés. Or ce n’est pas toujours le cas après un AVC, avec les problèmes cognitifs et d'élocution qui peuvent affecter les capacités du patient à s’informer et à s’orienter. « Les survivants d'un AVC et leurs soignants peuvent se sentir abandonnés car ils ont des difficultés à accéder aux bons services de santé, ce qui mène peu à peu à leur marginalisation », explique le Dr Lisa Lim, co-auteur de l'étude qui cite un certain nombre de facteurs, dont manque de continuité des soins, l'accès limité et retardé aux services communautaires et l'insuffisance d'information sur les services de réadaptation et de soins post-AVC.
Il s’agit donc encourager une meilleure communication et collaboration entre les services généralistes, qui fournissent ces soins de longue durée post-AVC et les services spécialisés, qui fournissent les soins dans la phase immédiate qui suit l’AVC.
Les chercheurs appellent à renforcer les services de soutien durant la première année de suivi post-AVC pour augmenter la capacité des patients à gérer eux-mêmes leur maladie chronique et à devenir plus autonomes.
Source : PLOS ONE February 21, 2018 DOI : 10.1371/journal.pone.0192533 Stroke survivors' and informal caregivers' experiences of primary care and community healthcare services – A systematic review and meta-ethnography
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