Ce texte de Martial Olivier-Koehret est un extrait d’un document plus long et détaillé publié sur son blog: www.chartesante.fr/mok_sante . L’Assurance Maladie vient de décider de généraliser le C2 des médecins spécialistes. L’acte courant des médecins spécialistes devient C2 et supplante le CS; l’Assurance Maladie rembourse cet acte 46 euros. Cette décision ne relève pas d’une simple mesure technique. Elle porte un coup sans précédent à la médecine générale et aux soins primaires. Désormais, la consultation des médecins généralistes est remboursée 23 euros contre 46 pour la consultation des spécialistes.(…)
Ce cadeau de plusieurs centaines de millions d’euros aux spécialistes vient d’être concédé en toute discrétion sans aucune contrepartie et avant que ne commence la discussion conventionnelle pourtant imminente.(…)
Les syndicats représentatifs concernés – financés par la formation continue conventionnelle ainsi que par la subvention perçue par chaque syndicat en contrepartie de leur signature – continuent pour leur part, année après année à réclamer des moyens supplémentaires. Ils se montrent hermétiques à toute argumentation, sont incapables de faire valoir l’activité des médecins généralistes et de proposer des vraies réponses aux besoins de santé des malades dans le cadre de soins de qualité.
L’Assurance Maladie a ainsi le champ libre pour poursuivre son travail méthodique de sape de la médecine de proximité et notamment des médecins généralistes qu’elle ambitionne sans vergogne de remplacer par des IAO, moins coûteuses et (surtout) plus compliantes. (…)
C’est oublier un peu vite que le rôle de l’Assurance Maladie est, avant de vouloir soigner, de rembourser. Contrairement à ce qu’elle semble croire, soigner n’est pas seulement accueillir un patient et l’orienter vers d’autres acteurs (hôpitaux, établissements médico-sociaux,?soins techniques). Plus de 95% de l’activité des professionnels qui constituent les équipes de soins de ville de premier recours consiste à soigner les malades c’est-à-dire à les prendre en charge au quotidien et à répondre à leurs attentes en solutionnant autant que possible leurs problèmes. (…)
De leur côté, les médecins libéraux réagissent sommairement à toutes les provocations et renforcent par là même l’idée qu’ils sont contre tout et n’acceptent aucune évolution. Pourtant, il est facile de comprendre que le refus de garantir une réponse aux demandes des malades quelle que soit le lieu y compris la nuit et pendant les vacances conduit les responsables politiques soit à contraindre les libéraux soit à chercher à les contourner voire à les remplacer.
La boucle est bouclée (…)La situation de crise économique et sociale impose de trouver des réponses immédiates.
Les principes en sont connus et reconnus y compris au niveau international:
– identification des niveaux de recours
– prise en charge du premier recours par les équipes de soins ambulatoires coordonnées,
– protocoles pluriprofessionnels
– fin du dogme du tout médecin
– prise en charge des patients organisée par les professionnels
– identification d’une place centrale pour le patient responsable de sa santé, acteur de santé et membre à part entière de l’équipe en charge de sa santé.
Bien sûr, mettre en place l’ensemble de ces propositions relève du pari qui nécessite pour être gagné que les médecins généralistes acceptent leur nouveau rôle de régulateur ainsi qu’une nouvelle place au sein des équipes de professionnels de santé plus autonomes de leurs décision et plus coordonnés autour d’objectifs partagés.
C’est aussi:
– la fin de l’histoire du médecin seul prescripteur
– l’engagement en responsabilité des professionnels de santé de premier recours organisés,
– la gestion partagée d’une enveloppe financière limitée avec enfin,
– le choix d’actions de soin pertinentes décidées en équipe et évaluées.
La fin d’un monde en somme. Mais le début d’un autre aussi. A nous professionnels de santé de permettre sa mise en œuvre avant que la situation ne soit si gravement entachée qu’on ne puisse plus qu’assister tristement à sa disparition orchestrée par des mesures aussi violentes que le message « un spécialiste vaut deux généralistes ».
Source : Dr. Martial Olivier-Koehret www.chartesante.fr/mok_sante
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