Les médias, si prompts à amplifier les découvertes thérapeutiques annoncées, même à échéance lointaine, ont attaché peu d’attention, semble-t-il, aux premiers essais d’un vaccin contre l’hypertension artérielle. C’est peut-être mieux, mais ça ne résout pas le problème, dont on eût aimé qu’ils se préoccupassent. Ce problème, c’est l’observance (mauvaise) des hypertendus traités, qui a motivé l’essai du Dr Juerg Nussberg et coll., du CHU vaudois (CHUV) à Lausanne.
En effet, a-t-il rappelé au Congrès de la Société européenne d’hypertension à Berlin en juin dernier, 50 à 80 % des hypertendus ( !) ont « une adhésion pauvre » (en anglais)… ou pas du tout. Or, a-t-il expliqué, les traitements actuels efficaces ont une demi-vie si longue (sic) qu’ils sont moins efficaces au petit matin (entre 5 h et 7 h), alors que la tension remonte, parfois brusquement (c’est le early morning surge), avec risque de survenue d’un événement cardiovasculaire aigu (pic). Car à ces heures-là, il ne reste pas toujours assez de médicament circulant pour la protection du patient. Connaissant le mécanisme biochimique de la cascade enzymo-hormonale activant et maintenant la tension, il fallait concevoir un vaccin contre l’un de ses constituants : le système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA), avec une efficacité sur le nycthémère : de la première minute à la 24e heure (au moins), puisque l’immunisation contre la molécule-cible est, comme tout vaccin, permanente…
La cible est l’angiotensine 2, hormone hypertensive, qui se fixe sur ses récepteurs artériels. Le vaccin CYT006-AngQb de Cytos Biotechnology (Zürich), déclenchant la production d’anticorps contre l’angiotensine 2 des patients doit obtenir une réaction immunitaire contre l’angiotensine circulante.
L’étude n’a réuni que 72 patients. Leur tension fut mesurée au début de l’essai puis à 14 semaines, soit 2 semaines après sa fin, pour vérifier le maintien de la baisse. Par rapport au groupe placebo, ils ont baissé leur tension systolique diurne de 5,5 mm Hg, leur tension diastolique diurne de 3 mm Hg (moyennes). La tension systolique du matin avait baissé de 7 mm Hg à 5 h, de 15 mm Hg à 6 h, de 12 mm Hg à 7 h, de 25 mm Hg à 8 h (moyennes), par rapport aux chiffres enregistrés avant l’étude. Mais cela ne résout pas plusieurs questions-clés.
Le vaccin est-il efficace à long terme ? Pour combien de temps ? Faudra-t-il des rappels ? A quel intervalle ? A haute dose, plus efficace ? Le patient sera-t-il observant du vaccin s’il ne l’est pas de ses comprimés ?
Après cette communication, le Pr Joël Ménard, éminent spécialiste français de l’HTA, a souhaité exprimer à nouveau une certaine prudence, comme en 2007 après la première publication (phase 1) de l’équipe suisse. L’angiotensine est-elle la bonne cible parmi les molécules de la cascade du SRAA ?
J. Ménard a rappelé l’échec de 2 essais français (1982, 1990) d’un « vaccin » anti-rénine (enzyme par laquelle tout commence) sur l’animal. Une préparation s’est révélée active, mais au bout de 30 semaines les animaux (singes) sont tombés malades et l’autopsie a montré des lésions rénales d’origine auto-immunes dues à la surabondance réactionnelle de rénine. Avec une autre préparation (rénine de souris administrée à des rats), aussi active, même constat : maladie rénale auto-immune.
Pour J. Ménard, le problème avec le « vaccin » anti-angiotensine 2 est l’augmentation réactionnelle de la rénine. Certes, dit-il, l’essai suisse n’a pas révélé de conséquences fâcheuses, mais il était court. Quid si un essai plus long est tenté ? Le spécialiste français estime que les études sur l’animal hypertendu doivent se poursuivre avant d’expérimenter le traitement chez l’homme. Et même alors, conclut J. Ménard, « je me demande comment il sera possible d’expliquer au gens (les patients) quelle sorte de recherche et de traitement nous essayons de faire »…
Et si l’on s’appliquait à mieux stimuler l’observance des patients hypertendus, vu ce qu’ils coûtent ?
Lire également le dossier HTA paru dans la revue Santé log Officine N°2:
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Blogger : Jean-Marie Manus
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